© Jean-Louis Fernandez
ƒƒƒ article de Nicolas Brizault-Eyssette
On prend presque les mêmes qu’en 2019 et on recommence ! Les Idoles. Un terme évoquant la joie hystérique, magique pourquoi pas, ou ces figures devant lesquelles on se prosterne, on remercie. Celles que souhaite nous présenter Christophe Honoré sont celles qui ont été terriblement efficaces pour lui. Ses idoles. Celles qui viennent se balader ce soir au Théâtre de la Porte Saint-Martin, Cyril Collard, Bernard-Marie Koltès, Jacques Demy, Hervé Guibert, Jean-Luc Lagarce et Serge Daney, idoles passées de l’autre côté du mur entre 1989 et 1994. Sida oblige, les années destructrices, les années dégoût pour certains, peur pour d’autres, tremblement particulier pour les gamins des années 1970, qui débarquaient dans la vraie vie, sexe et réflexion.
Les Idoles débute avec la voix seule de Christophe Honoré, perchée dans les airs, résonnante et ayant comme fait le mur elle aussi, une voix qui nous explique, nous raconte le plaisir de son propriétaire, ses découvertes cinéma, bouquins, journaux, lorsqu’il est arrivé à Paris. Ce qu’il doit à leurs auteurs. Et l’hommage se déploie. Collard/Harrison Arévalo, Koltès/Youssouf Abi-Ayad, Demy/Marlène Saldana, Guibert/Marina Foïs, Lagarce/Julien Honoré et Daney/Jean-Charles Clichet sont au Théâtre de la Porte saint-Martin, avec nous, ils sont en face, profitent d’être là sans trop savoir pourquoi, ils ne sont pas vivants mais presque. Deux femmes présentes dans la distribution, idée salvatrice, résonnante, raisonnante.
Tous les six se marrent, discutent, se draguent ou s’engueulent, la vie est là. Cette chose étrange, pas mal en fait, si jouissive et lumineuse qu’on s’y perd parfois mais il n’y a pas photo, c’est formidable. Sauf que là… Sida. Sida très tôt. Sida débuts. Le secret, la fuite, en avant, en arrière. Les amis, la famille, ou rien. Cet épuisement lent du corps qu’ils ont décrit ou non.
Tous les six se souviennent, oui, du splendide et du casse-gueule, ils parlent d’isolement, après les emballements, l’enfermement des derniers jours à l’hôpital. La douleur en silence parfois, cachée sous les tubes, couvertures blanches, et plus rien que le bête latex des gants, ce salopard de latex, pas assez là de leur vivant. La menace, la peur, cette salope de mort bien plus discrète aujourd’hui. Ils racontent en faisant la fête ou pas. Demy, nu sous son vison, boude, il ne veut pas qu’on sache et ne rejoint pas tout de suite ce groupe à peu près lié, et puis merde ! Vive Les Demoiselles de Rochefort ! et cette magnifique Marlène Saldana nous emporte dans un ballet somptueux. Collard, pour s’amuser quand il n’est pas en train de draguer chaudement, se fait une fausse-vraie victoire aux Césars. Il est mort trois jours avant que Les Nuits Fauves en gagne quatre. Etc.
Ne pas imaginer une seconde une litanie larmoyante, pas du tout. Les éclats de rire épousent les larmes, le noir. Si beau, si proche. Oui. La vie, là ce soir, sous nos yeux. Une pièce magique, à travers les mots, le silence ou la chiasse. Honoré nous fait comprendre la force que lui ont donnée ses « idoles », et lui nous donne envie de relire ces auteurs, de revoir leurs films et de nous envoyer en l’air.
Et si on n’a pas lu, si on ne connaît pas ? Ce n’est rien, tous les six sont des hommes, des hommes ce soir en face d’une porte entrebâillée.
Le noir.
Le rire, le sexe, l’amour.
La fin, la mort.
Fais-moi l’amour.
© Jean-Louis Fernandez
Les Idoles, de Christophe Honoré
Scénographie : Alban Ho Van
Costumes : Maxime Rappaz
Lumière : Dominique Bruguière assisté de Pierre Gaillardot
Assistante à la mise en scène : Christèle Ortu
Assistant dramaturgie : Timothée Picard
Avec Harrison Arévalo, Jean-Charles Clichet, Marina Foïs, Julien Honoré, Paul Kircher, Marlène Saldana et l’apprenti du Studio – ESCA Lucas Ferraton
Production : Comité dans Paris, Théâtre Vidy-Lausanne – Coproduction : Odéon-Théâtre de l’Europe, Théâtre National de Bretagne, TAP Théâtre Auditorium de Poitiers, La Comédie de Caen – CDN de Normandie, TANDEM – scène nationale, ThéâtredelaCité – CDN Toulouse Occitanie, Le Parvis Scène nationale Tarbes-Pyrénées, La Criée – Théâtre National de Marseille, MA scène nationale – Pays de Montbéliard
Avec le soutien de LINK, Fonds de dotation contre le sida
Du 18 janvier au 6 avril 2025
A 20h, du mardi au vendredi, à 20h30 le samedi et à 15h le dimanche
Surtitrage en anglais le samedi 26 janvier
Relâches les 27 et 28 mars
Durée : 2h10
Théâtre de la Porte Saint-Martin
18, boulevard Saint-Martin
75010 Paris
T+01 42 08 00 32
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