© Laurencine Lot

ƒƒƒ Article de Victoria Fourel

Douze hommes doivent décider du sort d’un treizième. Douze jurés doivent statuer sur le crime prétendument commis par un jeune de seize ans. Onze jurés sont sûrs, il l’a fait. Le dernier a ce qu’il nomme un doute légitime. Avec persévérance et humilité, il devra faire basculer leur jugement et leur fausse certitude. Cela donne un chef d’œuvre du théâtre et du cinéma, une réunion sous haute tension qui a traversé les époques.

L’adaptation nous happe rapidement, en parvenant à la fois à jouer de l’époque dans laquelle le texte est ancré, tout en ne sacralisant pas l’œuvre originale. S’il est difficile d’être toujours juste dans une pièce avec un tel débit de parole, les comédiens font tout parvenir, et l’on est frappé par la justesse du texte de Reginald Rose, son actualité, bien sûr, son humour aussi. Apparaît encore une fois sur scène tout le débat qu’ouvre Douze hommes en colère. Les préjugés que l’on tire de sa propre expérience, les généralités racistes imprégnées dans nos sociétés, mais aussi tout simplement le recours à la peine de mort, la responsabilité mise sur les épaules des citoyens, le rôle des avocats. L’adaptation et la scénographie réussissent le tour de force de s’amuser de ces années 1950, avec leurs cravates, leurs expressions et leur froideur de film en noir et blanc, tout en n’hésitant pas à rendre complètement contemporain le décor glacial de la salle de délibération.

Douze hommes en colère, c’est évidemment douze comédiens. Douze individus forts dont l’histoire personnelle doit rester visible tout au long du spectacle, que le personnage prenne une grande place ou non dans le débat. Et à ce niveau-là aussi, c’est vraiment réussi. A chaque fois qu’un juré entre en jeu, l’écoute est parfaite, la diction est bonne, personne ne se fait effacer par le collectif. On a une tendresse particulière pour certains, dont les interventions sont savoureuses, fines, vulgaires, ou très proches de nous.

Les comédiens sont très bien servis dans leurs partitions respectives, et un soin particulier a été mis dans leurs démarches, leurs postures, leurs tenues. C’est dans ces détails que l’on voit la classe du plus âgé, élégant mais cinglant, le passé de gamin des quartiers pauvres de l’un des jeunes jurés, la précision et la politesse de l’horloger. Le texte y est pour beaucoup, mais le travail sur la simplicité aussi. Très resserré, le spectacle est court, dense, sans intermèdes et sans temps inutiles, comme pour éviter que les débats interminables et violents du jury ne soient interprétés comme du bavardage par le public.

On sait que lorsqu’on adapte ce genre de pièces capitales, on a à la fois à faire face à une indulgence et une exigence dès le départ de la part du public. Cette mise en scène ne déçoit pas, donnant du jeu à chacun, et remplissant le contrat de respect, mais aussi d’adaptation du texte original.

Douze hommes en colère, de Reginald Rose

Adaptation française Francis Lombrail
Mise en scène Charles Tordjman
Assistante mise en scène Pauline Masson
Décors Vincent Tordjman
Lumières Christian Pinaud
Costumes Cidalia Da Costa
Musiques Vicnet

Avec Jeoffrey Bourdenet, Antoine Courtray, Philippe Crubezy, Olivier Cruveiller, Adel Djemaï, Christian Drillaut, Claude Guedj, Roch Leibovici, Pierre Alain Leleu, Francis Lombrail, Pascal Ternisien et Bruno Wolkowitch

A partir du 5 octobre 2017
Du mardi au dimanche à 19h

Théâtre Hébertot
78 bis boulevard des Batignolles
75017 Paris

Métro Villiers ou Rome
Réservation 01 43 87 23 23

www.theatrehebertot.com

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