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Rhinocéros, d’Eugène Ionesco, mise en scène de Bérangère Vantusso, Théâtre Silvia Monfort, Paris

Déc 10, 2024 | Commentaires fermés sur Rhinocéros, d’Eugène Ionesco, mise en scène de Bérangère Vantusso, Théâtre Silvia Monfort, Paris

© Ivan Boccara

 

ƒƒƒ article de Nicolas Brizault-Eyssette

Rhinocéros, d’Eugène Ionesco a été présentée la première fois en France au Théâtre de l’Odéon, en janvier 1960. Dans une petite ville tranquille, des personnages tels qu’un logicien, Daisy, Bérenger, Botard, etc. se croisent et discutent, chacuns comme « coincés », « enfermés » dans leurs idées, leurs façons de penser. Ils suivent chacun leur petit chemin bien tracé. Ils sont devant un immense mur blanc, composé de cubes blancs, cubes de céramiques, qui se déplacent curieusement, et finissent parfois par s’écraser au sol, violemment. Cité qui évolue, bouge, avance invisiblement, dangereusement.

Ces personnages, voisins, clients, proches donc, sont très surpris en rencontrant ici où là des rhinocéros. Ils en discutent sur le pas de leur porte, suivant tous bien entendu leur façon de penser, de voir les choses. Une importance centrale, un rhinocéros a une ou deux cornes ?? Question primordiale en effet. Puis, la surprise grimpe, il y en a de plus en plus des rhinocéros, parfois on retrouve même leur peau, en pleine rue. Tel ou tel commerçant, voisin, change, a changé. Est rhinocéros. On en voit presque partout, les rues deviennent dangereuses. Puis dans ce petit groupe, un à un, une douleur au milieu du front, une corne, toute petite et légère, presque rien, puis la peau se métamorphose, non, non ce n’est rien. La peau change vraiment, durcit, la façon d’évoluer, de marcher, de parler n’est plus la même. On est aussi un rhinocéros, un de plus ! La peur est là. Enfin presque, tel ou telle qui tremblait sent aussi une corne pousser, et on n’en parle plus. Un seul reste inquiet, Bérenger. Il est terrifié de se voir entouré de pachydermes cornus allant et venant de la même façon. La brutalité est là, la force et la violence ont pris le dessus et courent les rues. La rhinocérite a gagné. Bérenger lutte encore et hurle : « Je suis le dernier homme, je le resterai jusqu’au bout ! Je ne capitule pas ».

Rhinocéros peut surprendre au début, faire croire à une adaptation un peu facile de ce texte. Des répétitions multiples, qui donnent l’impression de plonger dans une évidence trop simple vont nous lasser et on en est presque à contempler la voûte magique de cette belle salle. Et hop ! un coup de fouet. La peur presque de devenir rhinocéros nous aussi ? Allez savoir… Une inquiétude s’installe aussi dans la salle face à cette épidémie. Ces murs géants de céramique se rapprochent des spectateurs, petit à petit. On en rit en voyant un ou deux blocs tomber, faisant du bruit et envoyant des petits morceaux partout. Ils ne sont pas dangereux ces petits morceaux, nous ne risquons rien. Ils sont loin. On est étonné par contre par ce bonhomme sans intérêt qui se remue, a peur, sonne l’alerte. Quel idiot bruyant. Et les murs ont gagné du terrain, nous n’avons rien vu, et les habitants de cette petite ville de province, ancrés dans leur façon de voir les choses au tout début, sont maintenant des rhinocéros qui ne s’étonnent plus de ces cornes, ces peaux sombres et cette façon de marcher dangereuse.

Rhinocéros donc sonne l’alerte. En 1960 il disait « vous avez vu… ». En 2024 on pourrait imaginer que le message serait plutôt « vous allez voir ! ». On se dit au tout début que nous allons bien nous amuser, avec toutes ces bêtises sans danger, en sortant, nos idées sont différentes. Rhinocéros est donc très intéressant. Un jeu parfait, un décor époustouflant, qui finit par faire peur. Puis comme on ne peut aller remercier Ionesco de ce spectacle, l’envie de se tourner vers Bérangère Vantusso pour le faire est immense. Regardez, regardez autour de vous. Soyez très attentifs aux cornes qui peuvent pousser ici où là.

 

© Ivan Boccara

 

Rhinocéros, d’Eugène Ionesco

Mise en scène par Bérangère Vantusso

Adaptation et dramaturgie : Nicolas Doutey

Collaboration artistique : Philippe Rodriguez-Jorda

Assistanat à la mise en scène : Pauline Rousseau

Scénographie : Cerise Guyon

Création lumières : Anne Vaglio

Costumes : sara Bartesaghi Gallo, assistée d’Elise Garraud

Création musicale : Antonin Leymarie

Création son : Grégoire Leymarie

Avec la participation à la bande son : Mathieu Ha (voix), Giani Caserotto (guitare), Fabrizio Rat (piano), Adrian’ Bourget (mixage et traitement en direct)

Régie générale et lumières : Philippe Hariga

Régie son : Vincent Petruzzellis

Régie plateau : Léo Taulelle

Construction décor : Fabien Fischer, Maxime Klasen

Reprise décor : Atelier du Théâtre Olympia-CDN de Tours

Accessoires / Sébastien Baille

Avec : Boris Alestchenkoff, Simon Anglès, Thomas Cordeiro, Hughes De la Salle, Tamara Lipszyc, Maika Radigalès

 

Du 5 au 14 décembre 2024

Durée du spectacle 1h30

 

Théâtre Silvia Monfort, Grande salle

(Avec Le Mouffetard Centre national de la Marionnette)

106 rue Brancion

75015 Paris

Réservation 01 56 08 33 88

www.theatresilviamonfort.eu

 

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