© Marc Ginot

ƒƒƒ article de Nicolas Brizault-Eyssette

Peau d’Âne, oui, bien entendu, cela nous parle immédiatement, avec les contes de Charles Perrault et des frères Grimm, puis comme nous ne sommes plus tous jeunes, le film de Jacques Demy, avec Catherine Deneuve, Delphine Seyrig et Jacques Perrin, Jean Marais… Oui. « Mais la situation mérite attention ! ». La jeune et jolie princesse qui sur les forts conseils de sa marraine, une très précieuse fée, se sauve de l’amour étrange de son papa, jeune veuf, et va rencontrer le plus merveilleux des princes merveilleux. L’histoire ne change pas, on se demande bien pourquoi elle tenterait de le faire d’ailleurs, elle cherche juste à déborder d’autant de poésie, de beauté et d’humour ici ou là, et de se rendre tout simplement plus claire, que le mystère reste de comprendre comment un âne peut devenir un homme qui était une femme. Que l’on puisse comprendre (nous sans souci, certes, mais les gamins aussi) ce qui fait si peur à la princesse, de quoi elle souffre, qui est le méchant.

Le tout démarre curieusement, on attend des fleurs partout et la scène est quasi vide, une grande table, trois ou quatre chaises autour et tout au fond, d’immenses rayures verticales, blanches sur fond noir, qui vont discrètement danser, s’ouvrir, devenir un écran splendide sur lequel apparaîtra de temps en temps la princesse, paumée et tentant de se cacher, écoutant les conseils apparemment farfelus de sa marraine, et d’autres personnages. C’est beau. Comment dire autrement. Demy apparaît pour de vrai à un moment et on se dit oui, c’est normal, c’est une version 2024. Sauf que le titre est Peau d’Âne – La fête est finie. Des milliers d’années sont passées. L’âne est transgenre, mi beau mec et vraie nana avec des plumes partout et des pompes incroyables de danseuse folle, la fée de la Belle au bois dormant est superbe, lesbienne et amoureuse de l’âne qui ne résiste pas non plus. Ceci dit, la grand-mère est-elle nécessaire dans cette histoire ? Elle parle de framboises et ce sont des fraises. Début d’Alzheimer ? On ne sait pas où est le vrai, le faux et vice et versa. Le Roi-papa est tout propre sur lui, joliment vêtu de blanc, des pieds à la tête. Il est triste et veut faire de gros câlins. On passe du jeu au crime. La folie douce et amusante du début s’efface. La vérité débarque. Oui, un papa peut avoir l’idée « d’embêter » sa jolie fillette, pire il peut le faire. Et Peau d’Âne – La fête est finie. Le titre est plus que net. La folie s’efface pour montrer la douleur, le sentiment de perte, de culpabilité. Et comment on peut lutter, avec les marraines, les fées, les ânes et tout ce qui s’en suit pour sauver la petite princesse perdue. Il y a ici ou là des merveilles, ne serait-ce que dans les costumes, le jeu entre vrai et faux, théâtre et cinéma, changement ultra-rapide de ces costumes qui nous surprend alors que le personnage que l’on vient de voir était une image, un film si l’on peut dire, et que la comédienne ou le comédien a donc eu tout le temps nécessaire pour se changer comme il faut.

Tout est de plus en plus évident, on peut se plaindre « quand on est grand » que l’histoire folle et belle devienne lente. Le « vrai » prend de plus en plus de place. Mais ce n’est pas mal de parler de ces vilaines histoires avec cette légèreté nette aux enfants. Les murs ne bougent plus, le gâteau est cuit. La princesse ne peut plus parler à sa peluche magique, l’histoire s’étale, est-ce nécessaire à ce point-là ? Peut-être trop de sujets veulent-ils être abordés et de cela résulte parfois une impression de dilution ? Davantage de coups de poings, pourquoi pas ?

Dans ce spectacle magique, le roi n’est pas assez découpé en morceaux par toutes les fées et les animaux qui traînent par là. Dommage. Il aurait fallu en profiter ? Mais il faut parler surtout de l’impression énorme qu’offre ce spectacle avec ces costumes splendides, les maquillages, les effets splendides des décors, le jeu de la valise rouge et blanche de la princesse, qu’on aurait presque envie d’aller piquer sur scène, les chaises, tables, etc., qui circulent sur scène, on cherche un fil, un brin d’acier (si l’on peut dire). Rien, si ça se trouve les fées existent. Elles se nomment Hélène Soulié et Marie Dilasser. Pour elles, « ce texte est né d’un désir conjoint de réécrire le conte Peau d’Âne à l’aube du mouvement #meetooinceste, et de nos histoires intimes et familiales. D’en apporter un éclairage contemporain, d’inscrire dans ce conte l’empreinte de notre époque, (…) ». C’est plus que réussit et effectivement des gamins de dix ans peuvent aller voir ça. Ils vont s’amuser, apprendre, réfléchir et pourquoi pas, être rassurer et parler ?

© Marc Ginot

Peau d’âne – la fête est finie, Hélène Soulié, TPM Théâtre Public Montreuil, salle Jean-Pierre Vernant, Montreuil

Dès 10 ans

Création 2023

Conception et mise en scène : Hélène Soulié

Texte : Marie Dilasser en collaboration avec Hélène Soulié

Assistante mise en scène : Chloé Bégou

Avec : Lorry Hardel, Claire Engel, Lenka Luptakova, Nathan Jousni, Fanny Kervarec, Julien Testard

Scénographie : Emmanuelle Debeusscher, Hélène Soulié

Création vidéo : Maïa Fastinger

Création lumière : Juliette Besançon

Composition musicale : Jean-Christophe Sirven

Création costumes : Marie-Frédérique Fillion

Perruque et maquillage : Marie-Frédérique Fillion, Jean Ritz

Régie lumière – vidéo : Fanny Lacour, Emilie Fau

Régie son – vidéo : Guillaume Blanc

Régie plateau : Emmanuelle Debeusscher, Marion Koechlin

Régie générale : Marion Koechlin

Du 14 au 22 octobre 2024

Lundi 14 à 14 h 30 et 20h

Mardi 15 et vendredi 18 à 10 h et 14 h 30

Jeudi 17 à 14 h 30

Samedi 19 à 18 h

Dimanche 20 à 17 h

Lundi 21 à 15 h

Mardi 22 à 15 h

Durée 1 h 20

TPM Théâtre Public Montreuil

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