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Laughing Hole, direction et chorégraphie La Ribot, CND Pantin

Oct 08, 2019 | Commentaires fermés sur Laughing Hole, direction et chorégraphie La Ribot, CND Pantin

ƒƒƒ article de Nicolas Brizault

Le Festival d’Automne à Paris présente cette année installations plastiques, spectacles, films, moyens d’expressions multiples, simples et tenaces de La Ribot. Laughing Hole était présenté au Centre national de la danse de Pantin le 5 octobre. Et pour débuter cet article, le plus simple est sans doute de laisser parler La Ribot, lors d’une interview donnée à Florian Gaité en mai 2019, pour le Festival d’Automne. Dans Laughing Hole « On y voit neuf cents panneaux sur lesquels j’écris des mots se rapportant à trois situations : l’état du monde en 2006 (« illegal », « war », « torture »), ma vie cette même année (« mum », « over 40’s »…) et la performance elle-même (« laughing », « falling »…). J’assemble ces termes entre eux et ne conserve que les associations qui ont du sens. » On peut ajouter à ces petites informations que tous ces mots construisent des expressions coup de poing comme « Look at terror », « Raw touch », « Die in Guantanamo », le tout écrit sur des panneaux en carton que pendant cinq heures, en riant non-stop, mais aussi en tournicotant, en se traînant au sol, que Tamara Alegre, Olivia Csiky Trnka, Delphine Rosay vont aller scotcher sur les murs en béton de la salle, accompagnées par le mixage en live lui aussi de Fernando de Miguel. C’est l’horreur de la prison de Guantanamo qui a inspiré Laughing Hole à La Ribot, le spectacle créé en juin 2006 à Bâle. Et c’est son talent, son sens inné des mélanges, sa force donc, qui vont faire le reste. Avec trois femmes, un homme.

En entrant dans cette salle, on est saisi immédiatement : deux pôles s’affrontent, le rire porte l’immonde, la souffrance. Trois femmes font les idiotes pour nous faire réfléchir. Pendant cinq heures, le rire accompagnateur nous tente, mais quel sens a-t-il ici ce rire-hurlé ? On ose ou non ? Doit-on pouffer joyeusement ou bien lire plus sérieusement les panneaux qui sont ramassés au sol, panneaux sur lesquels on s’assoie, panneaux dont les inscriptions sont invisibles puis fixées peu à peu sur les murs ? Que faire ? Où sont le ridicule, le combat, l’action, la liberté ? comment nous comportons-nous face aux événements actuels ? C’est sans doute ce que Laughing Hole cherche à nous faire comprendre. Ce « spectacle » est long, les gens vont et viennent. Et durant un instant, une des trois interprètes surprend une femme plongée dans son téléphone portable, la tête ailleurs. Moment amusant et terrifiant : au lieu de poser son téléphone, et de « voir » à nouveau, elle prend une photo. Preuve évidente des « écrans » que l’on veut mettre sans cesse entre la réalité et nous, de l’effroyable protection que l’on cherche.

La Ribot est avec nous dans la salle et soutient, regarde, ces trois femmes, elle est sérieuse, elle rit, comme nous. Elle nous offre du terriblement simple. Elle nous offre du rire et de la souffrance. Elle nous offre et torture ses interprètes, pour que nous comprenions mieux la cruauté du monde ? La Ribot place A et B côte à côte, oui, c’est simple, rien de plus, mais regardez, saisissez !!! La Ribot a ligoté et bâillonné le « compliqué » et nous jette le simple à la figure, en toute amitié, sans hargne, façon verre d’eau en plein visage cependant, pour qu’enfin nous réalisions, nous tentions de le faire au moins. Oui, en entrant dans cette salle aux murs en béton, peu à peu recouverts de messages « cartons », on est sympathiquement surpris, amusés, puis une fois tout compris, que faire ? Peut-être suivre l’exemple de La Ribot, ne pas se couper les cheveux en quatre mais se bouger les fesses pour tenter d’avancer, de faire avancer ? Hahaha !!!