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Illusions, d’Ivan Viripaev, mise en scène Olivier Maurin, au TNP, Villeurbanne

Sep 28, 2018 | Commentaires fermés sur Illusions, d’Ivan Viripaev, mise en scène Olivier Maurin, au TNP, Villeurbanne

ƒƒƒ Article de Victoria Fourel

Dennis, Sandra, Albert et Margaret. Au moment où quatre comédiens nous racontent leurs amours, ils sont déjà très vieux. Ils ont vécu en couple, unis, pendant plus de cinquante ans. Leurs histoires sont des évidences de régularité et de tendresse. Sauf qu’au moment d’échanger leurs dernières paroles, le ton change. Oui, ils se sont mentis, ils ont triché.

Les quatre personnages et les quatre comédiens ne sont pas ici les mêmes personnes. Sous une forme très littéraire de monologues successifs, c’est un récit qui nous est fait. Circulant autour d’une grande table blanche de banquet, les acteurs jouent et racontent la vie des autres, nous invitent à un moment conté. C’est d’abord déstabilisant, car il faut beaucoup de présence pour maintenir une écoute parfaite chez le spectateur. Chaque pan de texte ou presque débute par « Maintenant, je vais vous raconter… », appuyant le côté artificiel du procédé avec humour. Assez vite, on oublie que la forme nous a brusqués, et on plonge dans quatre vies d’amour pas si parfaites que ça.

C’est un spectacle qui dit la relation amoureuse avec tendresse et beaucoup d’humour, tant les uns et les autres sont parfois bêtes, inconstants, touchants, surprenants. Les comédiens s’y donnent d’ailleurs à cœur joie, en jouant de façon très réaliste l’ensemble, mais en n’hésitant pas à ponctuer leur histoire de saillies comiques, de moments directement adressés à nous. On rit de plus en plus au fur et à mesure que le spectacle avance et que les échanges se font compliqués : s’aimaient-ils vraiment ? L’un aimait-il l’autre ou l’autre n’aimait-elle pas celui d’en face ? On est aussi de plus en plus surpris par des instants d’humour noir fin mais vraiment osé.

La durée et le rythme du spectacle sont parfaitement étudiés, et il n’aurait pas fallu que le tout dure beaucoup plus longtemps. On ne peut pas broder pendant des heures sur des amours ordinaires racontées à la troisième personne, et le calibre de cette forme est parfait. On se laisse porter par ce récit de vies de couples, presque documentaire, et l’écoute est bonne dans la salle. Sans aucun artifice, le lien est créé. Chacun est libre alors de choisir ce qu’il s’imagine. Quoi que l’on décide, on ne peut qu’être touché. Parce que s’aimer est une aventure, que nos principes se retrouvent souvent empêchés par nos cœurs, parce qu’on n’est jamais à l’abri d’une grande révélation.

Illusions est à la fois une comédie, une biographie, un manifeste pour l’amour et ses accrocs, où l’émotion et le rire sont les deux faces d’une même pièce. Grâce à des comédiens parfaitement investis et un très beau texte plein de délicatesse, on pardonne les tromperies, et on aime l’amour.