© Audouin Desforges
ƒƒƒ article de Isabelle Blanchard
Guillaume Vincent nous offre un moment féérique et nous questionne sur le théâtre, la fiction et la réalité.
Après Songe et Métamorphose, il continue son travail sur les Métamorphoses d’Ovide en mêlant habilement le mythe à notre monde contemporain. Il questionne notre société.
Jupiter, amoureux de Callisto, se transforme en femme pour mieux s’en approcher et la séduire. Il finit par se dévoiler, elle le repousse mais il la viole. De cette union forcée naîtra Arcas. Junon, sœur et femme de Jupiter, folle de jalousie et de rage transforme Callisto en ourse en lui laissant sa raison. Arcas devenu grand, et chasseur émerite, s’apprête à tuer un ours sans savoir que c’est sa mère. Alors
Jupiter, pour empêcher un matricide, détourne la flèche d’Arcas et transforme la mère et le fils enfin réunis en deux constelations : la grande et petite ourse.
C’est un plateau presque nu qui nous accueille, un jeune garçon y est assis sur un écran et derrière lui sont projetés les images d’un ourson s’ébattant dans la neige. Ce plateau minimaliste avec, une fois l’écran disparu, une fenêtre sur le merveilleux grâce à un rideau pailleté à travers lequel on devine une forêt enneigée, lieu de tous les possibles, nous fait osciller entre magie et présent.
Les dialogues sont actuels, nulle trace de la langue d’Ovide mais la force évocatrice du metteur en scène fait merveille, le mythe est bien là. La métamorphose aborde des thématiques qui ramenées à notre temps semblent bien contemporaines : l’amour sexuel, filial, la séduction, le pouvoir exercé pour détruire, asservir (le viol) le genre.
Cette pièce courte (40 minutes) évoque tous ces sujets de société avec grâce, légèreté et profondeur. Vincent Dedienne, qui incarne Jupiter transformé en femme pour mieux séduire Callisto, est étonnant, troublant, en en bas résille et robe lamée, semble parfois s’y parodier à travers des répliques rappelant sa chronique télévisuelle puis tout à coup devient grave lorsqu’il relate la fin du conte. Emilie Incerti Formentini, toujours aussi épatante, passe d’un répertoire à l’autre, récitant Racine, incarnant une jeune actrice, notre Callisto contemporaine, imitant des répliques crues et cultes de film, avec une étonnante facilité. Son burlesque n’est jamais ridicule. Enfin les premiers pas sur scène du jeune Anton sont réussis, il incarne divinement un jeune garçon comédien cherchant sa voie et le jeune Arcas cherchant sa mère. Comme souvent avec Guillaume Vincent, c’est le théâtre qui est questionné. Où commence le jeu, où se termine la réalité et son inverse. Ainsi il s’amuse de nous à travers la parodie de l’acteur de son propre personnage télévisuel, les répétitions du jeune comédien incarnant Arcas, cherchant le ton et sa voix et aussi sa voie et la Callisto moderne passant un casting. Tout est faux, semblant et vrais sentiments, et doucement cela crée un pont entre notre vie et la création artistique.
La fin, envolée magique, grâce à des lumières célestes, et la belle gravité de Vincent Dedienne, nous laisse avec la certitude que notre monde est bien plus proche des métamorphoses que nous le pensions.
© Audouin Desforges
Callisto et Arcas, une création de Guillaume Vincent
Collaboration artistique Marion Stoufflet
Scénographie James Brandily et Guillaume Vincent
Lumière Niko Joubert
Régie son et vidéo Grégoire Boucheron
Régie générale et vidéo Edouard Trichet Lespagnol
Régie plateau Laétitia Favret
Régie lumières Maria Barroso
Avec Vincent Dedienne, Anton Frohely, Emilie Incerti Formentini
Samedi 15, mardi 18, mercredi 19, vendredi 21, mardi 25 et jeudi 27 septembre à 18h30
Théâtre des Bouffes du Nord
37bis boulevard de la Chapelle
75010 Paris
Service billetterie 01 446 07 34 50
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