Publié en 1982 puis devenu mythique aux Etats-Unis, notamment grâce aux cercles féministes des années 1970, Le Papier peint jaune est une sorte de thriller intimiste entre une femme isolée dans sa chambre et ledit papier peint qui en recouvre les murs. Vous l’aurez compris, nos sommes entre le récit personnel et le fantastique. Adapté en monologue théâtral le texte de Charlotte Perkins Gilman prend ici la forme du soliloque de Jane, recluse entre quatre murs suite à une dépression post-partum. Il n’en faut pas moins à son médecin de mari pour y déceler une « dépression nerveuse passagère avec légère tendance hystérique », diagnostic qui lui permet surtout d’étendre son emprise sur cette femme « qu’il aime tant »… Il la condamne donc à un repos et un isolement forcés qui vont la conduire à une véritable errance mentale, déclenchée notamment par la couleur jaunâtre et les motifs alambiqués du papier peint, à la fois repoussant et fascinant.
Sur scène, un décor assez dépouillé, évoquant à la fois le mobilier rudimentaire présent dans la pièce, et les teintes du fameux papier peint. L’atmosphère visuelle se mêle à une ambiance sonore énigmatique et la comédienne vient habiter ces espaces de son corps quasiment immobile, signe d’une apathie certaine, alors que sa voix, elle, se déploie à l’envie. Après tout, elle n’a plus que ses mots qui rebondissent inlassablement sur les murs, pour tenter d’exprimer ses émois intérieurs. Et tout comme les mouvements irrationnels et saccadés de son esprit, les rythmes de la parole sont faits de ruptures, de silence inattendus, et de phrases lancées jusqu’à bout de souffle quand l’âme s’emballe. Les jeux de lumière parfois subtils, parfois franchement contrastés, viennent également appuyer son état émotionnel.
C’est que, progressivement, une impérieuse obsession s’empare de Jane : ce papier peint jaune, ses arabesques, sa texture, ses décollements, prennent vie et deviennent de véritables protagonistes de l’histoire. Au fur et à mesure que la folie progresse chez Jane, le papier peint semble comme l’engloutir et provoquer chez notre malade une succession de visions hallucinatoires. Marie Kauffmann donne une interprétation habitée de cet état dépressif qui se meut en folie et on ne peut qu’admirer la performance précise de la comédienne. Toutefois, mise à part une dernière partie donnant la part belle au corps, la mise en scène statique nous laisse malheureusement un peu sur le bord. Et même si cela confère à l’énigmatique et à l’insaisissable, attributs incontestables du texte, le risque est de rester assez à distance alors que nous aurions adorer plonger tout entier avec Jane dans ce délire étourdissant. La délivrance finale n’en aurait été que plus jubilatoire. On retiendra tout de même de belles images et le charisme de Marie Kauffmann dont les yeux scintillent du début à la fin.

Le Papier peint jaune, texte de Charlotte Perkins Gilman
Mise en scène : Alix Riemer
Traduction et adaptation : Dorothée Zumstein
Avec : Marie Kauffmann
Création lumière : Mathilde Chamoux
Création costumes : Anaïs Heureaux
Scénographie : Hélène Jourdan
Collaboration artistique : Vanessa Larré et Biño Sauitzvy
Création sonore, régie générale et son : Tom Ménigault
Régie lumière : Zoë Robert ou Mathilde Chamoux
Remerciements : Anne- Charlotte Finel
Photo © Cédric Messemanne
Du 5 au 15 novembre 2025
du mercredi au samedi à 19h30
Durée 1h15
Théâtre Silvia Monfort
106 Rue Brancion
75015 PARIS
Réservations : 01 56 08 33 88

