On pouvait craindre le pire le 14 décembre à la Salle Favart à l’annonce selon laquelle la mezzo-soprano Lea Desandre était souffrante depuis plusieurs jours et en voyant quelques secondes plus tard le luth du chef d’orchestre Thomas Dunford tomber au sol… Il n’en fut rien, fort heureusement, pendant une heure et demie, et c’est après avoir chanté à tue-tête l’un des tubes de la Mélodie du bonheur que les spectateurs quittèrent l’Opéra-comique, d’autres hits plein la tête pour les heures et journées suivantes.

Chasing Rainbows est tant un hommage aux mélodies de Leonard Bernstein, Henry Mancini, Rodgers & Hammerstein, Sandy Wilson, Noël Coward, Robert & Richard Sherman, Frederick Loewe, Carol Burnett, qu’à l’inoubliable interprète Julie Andrews de Supercalifragilisticexpialidocious dans Mary Poppins ou The Rain in Spain dans My Fair Lady, qui ont enchanté et fait chanter plusieurs générations d’amoureux de musicals.

Léa Desandre a la grâce naturelle et les qualités vocales pour mettre en valeur ces chansons mythiques (comme disent les jeunes) sans en altérer les souvenirs tant auditifs que visuels, ni trahir les interprétations de Julie Andrews, en ne la singeant pas et même en en renouvelant l’écoute dans certains arrangements avec la complicité du chef susnommé, du pianiste accordéoniste Jo Atkins, et de l’Ensemble Jupiter prenant un malin plaisir aux facéties proposées par Sophie Daneman.

Après No Mozart tonight en guise d’introduction, Léa Desandre apparaît dans une robe jaune pailletée, au-dessus du genou, pour entamer My Favorite Things de Sounds of Music (La Mélodie du bonheur) que l’orchestre a rendu très swing face à un public immédiatement conquis.

Suivent plusieurs chansons moins populaires tirées de The Boyfriend et Cinderella, qui permettent une mise en scène et scénographie astucieuse et pleine d’humour. Un charleston est esquissé pour le titre éponyme, tandis qu’un petit tablier rose orné d’une chaussure brodée à paillettes accompagne le plumeau de l’artiste qui tout en chantant époussette les chaussures et tenues des musiciens de l’orchestre avec espièglerie.

Le spectacle s’enchaîne sans temps mort avec la sélection de quatre titres essentiels de My fair Lady. Léa Desandre et Jo Atkins sont irrésistibles dans leur duo de The Rain in Spain (stays mainly in the plain…), et la mezzo-soprane est non moins charmante dans I could have danced all night, candide dans Wouldn’t it be loverly et cabotine à souhait dans The Street where you live

Suivent quatre autres titres incontournables de Mary Poppins. La douceur originelle de Stay Awake est amplifiée par une jolie variation débutant au luth et qui se poursuit avec les cordes frottées, tout comme la superposition de chants d’oiseaux ajoute à la poésie de Feed the Birds. Les enlevés Just a Spoon full of Sugar et Superfragilistic permettent à la chanteuse de montrer ses talents de comédienne et de danseuse, comme toute comédie musicale l’exige des artistes.

On bascule dans une ambiance mi cabaret, mi club de jazz, dans Victor Victoria, où Lea Desandre devient, conformément au pitch, androgyne, vêtue d’un original smoking, se faisant plus suave, notamment dans le titre Le Jazz hot. Un joli duo clarinette – saxo, dialoguant de part et d’autre de l’orchestre, donne envie de revoir ce musical moins connu des Européens, et moins tout public que les autres shows de Broadway et notamment I feel pretty de Bernstein, ainsi que La mélodie du bonheur qui conclut la représentation.

Les souvenirs remontent dans The Sound of music et alors qu’on se retient à peine de chanter le délicieux Edelweiss, tout en admirant l’aisance de Léa Desandre traversant de long en large le plateau, pieds nus, dans sa ravissante robe en mousseline parme, toute la salle Favart est invitée à chanter Do-ré-mi en anglais, puis en français dans le bis. Un plaisir régressif partagé.

Ce spectacle qui tourne depuis plus d’un an a encore de beaux jours devant lui tant il a de la capacité à remettre de la joie et de la légèreté le temps de la représentation, and more… on pouvait apercevoir quelques esquisses de claquettes dans l’avenue illuminée de l’Opéra peu après la représentation…

Chasing Rainbows

 Direction musicale de : Thomas Dunford

Mise en espace : Sophie Daneman  

Costumes :  Hubert Barrère

Lumières : Bertrand Couderc

Co-production : Ensemble Jupiter, Opéra de Rouen Normandie, Opéra-Comique

Photo : © Stephane Brion

 Avec Lea Desandre (mezzo-soprane) et l’Ensemble Jupiter.

Les 13, 14, décembre 2025 à 20h

Durée : 1h30 (sans entracte)

Opéra-Comique

1 Place Boieldieu

75 002 Paris 

Réservation : www.opera-comique.com