L’affaire est connue depuis Peau de cochonde Philippe Katerine et Cœur de cochon de Susie Morgenstern : le sympathique suidé est ce qu’il y a de plus proche de l’humain, au point de permettre des transplantations et de sauver des vies. Comme son titre l’indique, c’est le propos de Marie Cœur-de-truie. La Marie du titre a en effet le cœur un peu fatigué. Sans doute son hygiène de vie n’est-elle pas parfaite ; elle est en surpoids/obèse/grosse. Elle habite dans une triste banlieue pavillonnaire avec un fils qui ne sort plus de sa chambre, Tristan. Elle a des amies qui n’en sont pas, et des collègues peu collégiaux. Marie ajoute à ce pénible diagnostic une particularité génétique : son cœur est gros, très gros, trop gros. Seul le cœur d’une truie génétiquement modifiée pourrait lui convenir. La chirurgienne est enthousiaste : quel pari pour la science ! Quel exaltant exploit leur est promis, à elle et à son équipe ! Mais peut-on vraiment vivre avec un cœur de truie ?

Marie Cœur-de-Truie est présenté au Nouveau Théâtre de l’Atalante, qui s’attache à mettre en valeur les créations émergentes. La pièce a déjà été couronnée de prix : bourse d’aide à la création d’écriture Beaumarchais-SACD 2023, parrainage par le Carreau du Temple, soutien de l’ADAMI par le biais de la Bourse Première Fois Théâtre. Ces récompenses, très méritées, ont permis au travail de se développer. La création est ambitieuse, soignée et intelligente. En lieu et place d’un naturalisme ou d’un hyper-réalisme qui seraient difficiles à tenir, la Compagnie Pire Encore a en effet fait le choix d’une esthétique décalée, parfaitement assumée. Les demi-masques permettent de ne pas jouer du processus d’identification. Ils dessinent des types clairement identifiables : la chirurgienne exaltée par ses travaux de « couture » et de soudure, les infirmiers du bloc, petites mains indispensables, le fils adulescent, le journaliste intrusif, le collègue profiteur de gloire… Le choix du chant est également pertinent, faisant passer et la lourdeur du discours scientifique, et le pathos charrié par ce genre de sujet. La troupe connait parfaitement sa technique et sa partition : l’opération, ainsi, menée avec le secours du Grand-Guignol, est une parfaite réussite.

Marie Cœur-de-Truieest donc une création qui ravit tous les cœurs. Le « devenir-truie » de Marie, véritable métamorphose, se suit avec passion, compassion et émerveillement. Les moments d’humour n’empêchent pas les moments d’émotion. Qui aurait pu dire que les jappements artificiels de Peanut, la chienne mécanique, seule amie de Marie, pourraient être aussi poignants ? Quant à la fin, euphorique et euphorisante, elle ravit, sur du François Valéry.

Marie Cœur-de-truie,texte et mise en scène : Mathilde Courcol-Rozès

Avec : Victoire Vidil, Siloë Saint-Pierre, Lili Thomas, Louise Héritier, Rémi Fransot et Mathilde Courcol-Rozès

Scénographie et dramaturgie : Lucie Mazières
Masques : Laïs Argis et Mathilde Courcol-Rozès
Accessoires : Pascal Fritsch
Création musicale : Tom Meyronnin
Regard chorégraphique : Kayssa Khelifi
Costumes : Thelma Di Marco
Lumières : Charlotte Moussié
Production : Louise Deloly

Photo © (1)Anastasia Jolly , (2) Eva de Jesus Flecho

Du 4 au 15 novembre 2025, du mardi au samedi à 19h

Durée du spectacle : 1 h 30

A partir de 12 ans

Nouveau Théâtre de l’Atalante

10, place Charles Dullin

75018 Paris

Réservation : www.theatre-latalante.com