
© Sacha Goldberger
F article de Denis Sanglard
Un pas de côté ou une continuité ? Les cantiques du corbeau, dernière création de Bartabas peuvent surprendre et décontenancer pour qui attend un geste équestre flamboyant. Rien de tout cela, le cheval n’est plus ici l’alpha et l’oméga qui déserte quelque peu la piste pour un nouvel opus où seules règnent l’écriture et la parole. 22 chants, 22 récits pour raconter l’aube de notre humanité où l’homme en devenir est un animal comme les autres, proie et prédateur tout à la fois, bientôt dominant, chaman ou guerrier. Ils sont 8 récitants, vêtus d’une chasuble noire austère, surgissant chacun leur tour de l’ombre, annoncé par un gamelan balinais au sonorité sourde et métallique, 8 surplombant une piste vide pour dire chacun un chant comme un rituel. Le cheval, libre ou monté, n’est plus qu’un intermède qui passe de façon épisodique entre deux récits. Rien de spectaculaire sinon la mort surgissant qui chevauche sans plus de façon l’animal lancé au galop. Parfois se pose une étrange créature, un faune, vision fugace d’un récitant pourtant toujours muet, vision enfantine d’un grand-père contant « des histoires écrites à la places des bêtes » ouvrant cette création, prologue aux chants à venir. Quelques danses inspirées de Bali, une cracheuse et jongleuse de feu, et voilà tout. Bartabas privilégie son écriture laquelle est fort bien troussée, c’est vrai. Poésie âpre encline à la méditation. On peut aimer ou pas. Bartabas ne nous avait pas vraiment habitué à cela sur cette piste d’Aubervilliers. On le savait cavalier, écuyer d’exception, on le connaissait écrivain sensible. L’écriture devient centrale dans ce nouvel opus où l’image sur la piste, aussi belle soit-elle, comme toujours, est sciemment dissociée de ce qui est énoncé, des visions que génèrent le texte pour qui entend. Loin de la réussite du Centaure et l’animal il y a quinze ans déjà où les chants de Maldoror de Lautréamont faisait sens avec l’exigence scénographique explorant la métamorphose dans un renversement entre l’homme et l’animal. Ici donc seul le texte importe, mis en exergue et dépouillé de tout artifice dramaturgique et scénographique. Mais l’extrême austérité sinon la raideur de la mise en scène, tout ne tient que par chaque récitant toujours immobile, qu’une échappée équestre, quelques flammes et danses ne suffisent pas à alléger, qui demande un réel effort d’attention et d’écoute, peut décourager particulièrement celui qui parvenu à Aubervilliers attendait de Bartabas ce que Zingaro jusqu’à lors lui offrait. Ce n’est certes pas un mauvais spectacle, loin de là, mais Bartabas délibérément prend un nouveau chemin, radical sinon audacieux, au risque de perdre son public.

© Sacha Goldberger
Les cantiques du corbeaux, scénographie, conception et mise en scène de Bartabas
Assistante à la mise en scène : Emmanuelle Santini
Musiciens de Pantcha Indra : Thomas Garcia, Audran Le Guillou, Philippe Martens, François Marillier, Théo Mérigeau, Christophe Moure, Laetitia Schneider, Hsiao-Yun Tseng, Sunarso (musicien invité)
Avec : Bartabas, Henri carballido, Lara Castiglioni (feu), Jean-Luc Debattice, Lola Eliakim, Alice James, Manolo Marty, Perrine Mechekour, Sarah Mordy, Julie Moulier, Florent Mousset, Paco Portero
Danse balinaise : Kadek Puspasari, Alice Seghier, Nessim Vidal
Chevaux : Famine, Guerre, Misère, Maestro, Tsar, Bruant, Chouca, Hypolaïs, Ibis
Régie générale : Charlotte Matabon
Lumière : Clothilde Hoffman
Son : Laurent Compignie, en alternance avec Eliott Allwright
Technicien plateau : Ouali Lahlou, Pierre-Léonard Guétal, en alternance avec Julie-Sarah Ligonnière
Responsable des écuries : Ludovic Sari
Soins aux chevaux : Ophélie Girardet, Caroline Viala
Création costumes : Chouchane Abello, Tcherpachian
Atelier costumes : Montcalm Abicene
Cheffe atelier costumes : Anne Veziat
Couturier : Jean Doucet
Auxiliaire couture : Noémie Leblan
Auxiliaire accéssoires : Méline Abello
Habilleuses : Isabelle Guillaume, Isia Seghier
Masque des musiciens : Pamela is dead
Masques de bouc, squelette et tigre : Cécile Kretschmar
Jusqu’au 31 décembre 2025
Du jeudi au samedi à 19h30, le dimanche à 17h30
Le 22 novembre à 20h30, le 24 décembre à 17h30
Durée 1h40 environ
Théâtre Equestre Zingaro
176 avenue Jean-Jaurès
93300 Aubervilliers
Réservations : 01 48 39 54 17

