À l'affiche, Critiques // Des hommes en devenir, d’après Bruce Machart, mise en scène Emmanuel Meirieu, Théâtre Paris Villette

Des hommes en devenir, d’après Bruce Machart, mise en scène Emmanuel Meirieu, Théâtre Paris Villette

Mai 28, 2017 | Commentaires fermés sur Des hommes en devenir, d’après Bruce Machart, mise en scène Emmanuel Meirieu, Théâtre Paris Villette

ƒƒ Article de Victoria Fourel

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© DR

Ils sont terriblement ordinaires. Et pourtant, pas tout à fait. La vie les a froissés, ternis, les a mis de côté, comme un peu morts, déjà. Dans une suite de monologues, ces personnages défilent au micro, pour rattraper un bout de ce qu’ils ont perdu.

De ce plateau se dégage une belle impression de volume. Une diagonale de lumière surplombée de fumée nous donne l’impression d’un grand éloignement et d’une grande solitude de ces hommes. Stoïques, isolés, dans une pénombre maîtrisée qui ne donnent pas tous leurs traits au spectateur. Chaque tableau a son lot de particularités, mais tous les fragments se rejoignent dans une certaine uniformité, le témoignage ne vaut que par sa normalité. Faibles et forts, tentant de vivre en hommes malgré tout, leurs histoires se mêlent et sont finalement toutes les mêmes.

C’est en fait dans la narration que se tisse le spectacle. Nous sommes plongés dans le récit d’un jour ou d’une nuit, d’un rendez-vous avec le destin. Ils ont perdu une femme, un enfant, un amour. Alors ils se complaisent dans les détails, racontent les odeurs et les couleurs de ces souvenirs. On pense à Auster, Franzen, Horowitz, qui ont fait de l’Amérique ordinaire une machine à histoires. De tout ça, forcément, se dégage une immense tristesse. La perte est un naufrage, et on perd espoir au cours du spectacle, que quelque chose vienne redonner du souffle à ces hommes. Le tout donne un peu trop dans le grave. Le maquillage sur les peaux, les incrustations en filigrane sur la toile qui sert aussi à filmer en direct, le ballet répétitif des personnages qui se succèdent, entrant et sortant des mêmes côtés. Tout ça ne doit pas devenir facile, glauque pour le simple plaisir du glauque.

La vidéo, utilisée en direct et en illustration, a un rôle intéressant, décale le réel mais permet aussi de mieux voir, tout simplement, les comédiens. Le seul problème de cette configuration devient la difficulté à faire naître la théâtralité. Les temps sont justes, la tension et l’engagement sont immenses, certains passages restent gravés en nous. Mais difficile de jouer directement pour le public quand les personnages ne font qu’apparaître faiblement loin de nous, derrière le micro. Le déballage de détails sordides sur musique de fond devient petit à petit un peu prévisible, et peine à créer du lien.

Ces portraits impeccablement écrits et adaptés nous happent et deviennent une bulle entre fiction et absolue normalité qui questionne la notion de perte, de lien social, de communication. Il n’est pas question de défendre la légèreté à tout prix, mais d’encourager à surprendre, et pourquoi pas à multiplier les tons et les formes pour éviter la lourdeur de s’installer. Lorsqu’on est surpris, lorsque certains fragments nous prennent de court, c’est encore plus beau. C’est dire si Des Hommes en devenir est déjà d’une grande beauté.

 

Des hommes en devenir
D’après Bruce Machart
Mise en scène et adaptation Emmanuel Meirieu

Avec Stéphane Balmino, Jérôme Derre, Xavier Gallais, Jérôme Kircher et Loïc Varraut

Du 23 mai au 10 juin 2017
Du mardi au samedi à 19h ou 20h et le samedi à 16h

Théâtre Paris Villette
211 avenue Jean Jaurès 75019 Paris
Métro Porte de Pantin
Réservation 01 40 03 72 23
www.theatre-paris-villette.fr

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