Critiques // Chansons qui agacent les dents, récital-cabaret de Monsieur K., au C.N.D / Pantin

Chansons qui agacent les dents, récital-cabaret de Monsieur K., au C.N.D / Pantin

Avr 10, 2019 | Commentaires fermés sur Chansons qui agacent les dents, récital-cabaret de Monsieur K., au C.N.D / Pantin

 

© Marc Domage

 

ƒƒƒ article de Denis Sanglard

Pour la seconde fois Monsieur K. investissait le C.N.D métamorphosé pour l’occasion en cabaret. Seul, ou presque, pour un récital, « Chansons qui agacent les dents. » Présence sardonique, capable de cingler la salle dissipée de son esprit caustique, Monsieur K. a pour royaume la chanson française, l’esprit berlinois et la folie camp, la présence troublante de celui capable de transgresser le genre. Jupes et corset noirs, frac, talon de 16, bas rouges et haut de forme feutré ajouré d’une voilette, teint blafard des clowns blancs que déchirent des lèvres dégueulant leur vermillon, tel se présente ce maître de cérémonie atrabilaire et misanthrope. Monsieur K. est un chanteur, un interprète, fils spirituel de Marie Dubas, de Marianne Oswald, frère de Juliette et de Georgette Dee, consœurs réalistes et surréalistes, magnifiquement décadentes, qui chantent les amours vénales, toxiques et désenchantées. Les trahisons, les coups de poignards, les chlamydias en sautoir. Plus que ça même. Ces chansons qui font grincer nos dents sont signées, à quelques petites exceptions, de Jérôme Marin, son avatar civil. La charmeuse de serpent, Le meilleur ami de l’homme, Ordures, Le sort d’amour, le baiser de Juda, La danse macabre, Bonne fête maman… Jérôme Marin est un poète à la plume effilée, tranchante et acide. Une écriture fine et pointue, sans esbroufe, qui vous surine sans crier gare. Ça saigne ! Chansons comme autant de perles baroques et de colifichets dont se pare crânement Monsieur K., petits bijoux qu’il polie, astique et fait briller, pas pour vous séduire, ce n’est pas le genre de la maison, mais pour exposer sans fard et crûment nos amours toujours boiteuses. On chiale, on rit, de cette chienne de vie chantée sans trémolo, loin du drama des torch song sublimés des drag-queen, mais avec une âpre jubilation de divette sadique et affligée. Politesse du désespoir. A ce répertoire-là, il ajoute Baudelaire revisité par Olivier Py (Baudelaire au cabinet), Olivier Mouginot (Le buisson ardent) ou encore Roger Dumas (Te quiero ich liebe dich). Et s’il reprend Zarah Leander ce n’est pas pour rien non plus. Son inspiration vient aussi de ce côté-ci, comme il vient de là, de Brecht et Kurt Weil, en hommage rendu qui n’est jamais imitation, Monsieur K. n’étant égal et fidèle qu’à lui-même. Et puisque nous parlons fidélité, Corinne, l’unique Corinne, créature et interprète hors-norme, était là aussi, invitée le temps de deux ou trois chansons dont un duo culinaire (La bonne cuisine) avec son hôte.

Et pour retrouver ce maître de cérémonie qui présida à la renaissance du Cabaret de Madame Arthur avant de s’en éloigner mais y laissant sa trace indélébile, il est un lieu à Paris, cabaret interlope et mystérieux où officie sous sa houlette intransigeante et vacharde des artistes singuliers aux talents rares et insolents. Drag-queen, transformistes, chanteurs, artistes burlesques… invités par Monsieur K. le temps d’une soirée folle et lutine, à la main baladeuse comme il est affirmé non sans raison. On y croise aussi bien David Noir, transformiste trash et déglingué (que l’on peut retrouver régulièrement au Générateur de Gentilly, autre lieu improbable), que la délicieuse et mutine chanteuse Jeanne Plante (dernièrement à l’Européen), le performeur et danseur François Chaignaud, Jean-Luc Verna aussi… Et bien d’autres encore, tous aussi frappés mais bourrés de talents, hors des sentiers battus et rebattus. Cabaret unique en son genre donc, loin de tous compromis, exigeant dans sa programmation originale et changeante mais avec une bonne dose de folie et d’impertinence. Il y a là quelque chose d’unique et de rare dans cette concentration, le temps d’un soir, d’artistes qui ne font aucune concession, pas même au public, mais s’imposent par leur univers singulier, sacré pied-de-nez à la bien-pensance tristouille, aux compromis artistiques délétères et vains. C’est pour le public non initié une sacrée découverte qui détonne et vous oblige à un pas de côté, un regard neuf où tombent avec fracas nos préjugés, car ici ce qui prévaut c’est bien le frottement entre le public et ces artistes dont les domaines touchent aux tabous, dont ils se jouent, voir aux icônes promptement dézinguées. Monsieur K. veille sur ce monde-là, vigilant et parfois vachard, mais avec la même rigueur, la même vigueur. Ce lieu a pour nom « Le secret ». Pour ceux qui réservent et après confirmation, l’adresse n’est donnée que le jour de la représentation, qui a lieu une fois par mois… et la surprise est grande devant la découverte du lieu choisi pour abriter cette soirée particulière.

 

© Marc Domage

 

Chansons qui agacent les dents, récital-cabaret de Monsieur K.

Récital-cabaret conçu autour des textes originaux de Jérôme Marin, Olivier Mouginot, Olivier Py, Roger Dumas

Et des musiques de Jean-Yves Rivaud, Antoine Bernollin, Fred Ferrand, Stéphane Leach, Nicolas Grellier, Nicolas Cabet

Avec Jerôme Marin (Chant), Corinne (Chant), Antoine Bernollin (Piano), Fred Ferrand ( Accordéon)

 

Le 06/04/2019 à 19h

 

CND / Pantin

Centre national de la danse

1 rue Victor Hugo

93507 Pantin

Réservation 01 41 83 98 98

reservation@cnd.fr

 

Pour le cabaret « Le secret »

13 avril 2019, 11 mai et 8 juin 2019

Réservation cabaret.lesecret@gmail.com

 

 

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