© Pascal Gely / Hans Lucas
ƒƒ article de Emmanuelle Saulnier-Cassia
Après ses pièces politiques enthousiasmantes (Un démocrate et Bananas and Kings), l’autrice, metteuse en scène et comédienne Julie Timmerman fait une incursion avec Zoé dans le monde de l’intime et de l’histoire personnelle. Créé au Théâtre de Belleville à Paris cet hiver, Zoé arrive au Théâtre de l’Oulle à Avignon, dans le cadre du Festival Off.
Au cœur de cette autofiction est le portrait d’un père dysfonctionnel, bipolaire, qui ouvre à sa fille un monde à la fois merveilleux et non conformiste, en lui imposant une charge mentale et des traumatismes puissants. La figure du père, le complexe d’Œdipe, ce qu’est la famille, le couple, l’enfance et l’adolescence, le rapport à l’acte de création, les évasions par l’art, sont autant de thèmes qui parcourent la pièce.
On est très loin ici des figues politiques des pièces précédentes, des personnalités illustres comme Edward L. Bernays. Zoé, 43 ans, alias Julie Timmerman, est postée devant nous les jambes bien ancrées sur le plateau devant un rideau de tulle. A un rythme d’enfer, elle égrène sa petite enfance et au bout de ce monologue, elle s’écroule, préfiguration des évanouissements paternels qui s’ensuivent dans un long flash-back ; l’histoire de presque toute une vie de jeune fille, puis de jeune femme face à son père malade et toxique pour sa famille, de cette furieuse admiration, de cette fichue volonté de le sauver, de cette satanée culpabilité qui se tisse. Et cette finale nécessité de tuer le père pour exister, en tant qu’être humain et comédienne.
Les comédiens (fidèles et nouveaux) mettent toute leur énergie dans l’entreprise, en optimisant un décor et des accessoires limités, avec quelques idées qui fonctionnent bien (telles les acrobaties utilisant la table à fils). Certaines scènes sont particulièrement réussies, comme celle du psy avec les récits qui s’entrecroisent, ou celle du documentaire animalier dont les commentaires résonnent avec l’évolution du couple. Wagner est omniprésent, ou en tout cas L’Or du Rhin et par ailleurs toute la culture populaire des années 80 et 90 qui rappellent des souvenirs aux quarantenaires et cinquantenaires de la salle (les walkman, Madonna, …).
Si le théâtre documentaire et politique est certainement le registre d’épanouissement de Julie Timmerman, sa Zoé (dont le texte est publié chez C&f Eds), est un témoignage émouvant et grinçant, débordant d’amour et de tolérance, sans pathos ni moralisme. Sans aucun doute un passage obligé dans sa vie d’artiste et de femme, avant qu’elle revienne à ses sujets plus collectifs et politiques de prédilection.
© Pascal Gely / Hans Lucas
Zoé, texte et mise en scène de Julie Timmerman
Dramaturgie : Pauline Thimonnier
Collaborateur artistique et conseiller musical : Benjamin Laurent
Assistante à la mise en scène : Véronique Bret
Scénographie : James Brandily
Lumière : Philippe Sazerat
Costumes : Dominique Rocher
Création sonore : Xavier Jacquot
Avec : Anne Cressent, Mathieu Desfemmes, Alice Le Strat, Jean-Baptiste Verquin
Jusqu’au 11 juillet 2024, à 11h
Durée : 1h30
La Factory – Théâtre de l’Oulle
19 place Crillon
84 000 Avignon
Réservations : www.theatredeloulle.com
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