© Pascal Gely
ƒ Article de Victoria Fourel
You-You a voyagé, You-You a travaillé, elle a traversé la vie et l’Europe. Et aujourd’hui, c’est l’heure de la retraite. Au détour de son discours d’adieu à ses collègues et à une partie de sa vie, elle raconte son histoire, ses départs et ses rencontres avec humour et avec une tendresse infinie pour le monde qui l’entoure, et pour ses deux pays : la Yougoslavie qu’elle a quittée, la France qui l’a accueillie.
Le sujet, autant que l’angle choisi, celui du départ d’une entreprise comme début de confession, ne peuvent qu’interpeller. Les identités multiples sont toujours fascinantes, et la construction et la reconstruction d’un individu d’un pays à l’autre peuvent donner naissance à de grandes œuvres. Ici, on a un personnage dont les digressions et les récits sont dès le début très attachants. Proprette, mettant toutes les formes possibles pour avoir l’air distinguée, sans pouvoir rien cacher de son accent, de ses souvenirs et de son histoire, You-You résonne en nous. Elle nous rappelle notre attachement à nos racines quelles qu’elles soient, le plaisir d’être précis lorsqu’on se raconte soi-même. Pleine de petits tics d’un autre temps, incapable de faire preuve de discrétion ou de raison quand elle revit les enthousiasmes et les déceptions, You-You et les autres personnages qui parcourent ce « seule en scène » sont à la fois respectueux de cette histoire, et très bien ficelés.
La comédienne tient d’ailleurs assez bien sa barque. Mais les doutes arrivent rapidement. Tout d’abord au niveau du rythme, qui ne parvient pas à être tout à fait juste. Il n’y a pas assez de vide, pas assez de respiration, entre les différents épisodes racontés par You-You et ses retours à son discours de départ en retraite. Pas assez de temps non plus, pour installer les personnages secondaires qui défilent, ni les différentes ambiances. Comme s’il fallait traverser la vie de la dame, et seulement la traverser.
Dans la direction de l’actrice aussi, un dosage manque. Tout semble réussi, de la précision de l’accent aux ruptures successives, et pourtant, quelque chose semble inachevé. Parfois caricaturale, l’actrice est presque trop expressive, au sens où les mimiques expliquent tout, et jusque dans la montée de l’émotion, il y en a un peu trop. Bien sûr, c’est un trait de caractère de You-You, bien sûr tout ceci est un choix. Mais peut-être que ce choix va un peu loin pour être juste.
C’est un peu frustrant de rencontrer You-You, de la trouver passionnante, et de se dire qu’on est reparti sans pour autant être vraiment heureux de cette rencontre. Avec davantage de variété dans la mise en scène comme dans la direction, peut-être que l’on aurait eu envie de continuer de discuter avec elle toute la nuit.
You-You
Texte Jovan Atchine
Mise en scène Elodie Chanut
Avec Mina PoeDu 7 septembre au 11 novembre 2017
Du mardi au samedi à 21h, le dimanche à 15hStudio Hébertot
78 bis boulevard des Batignolles 75017 ParisMétro Villiers (lignes 2 et 3)
Réservations 01 42 93 13 04
www.studiohebertot.com
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