À l'affiche, Agenda, Critiques, Evènements // Welcome de Joachim Maudet, au Théâtre de Vanves dans le cadre du Festival ARDANTHE

Welcome de Joachim Maudet, au Théâtre de Vanves dans le cadre du Festival ARDANTHE

Mar 23, 2022 | Commentaires fermés sur Welcome de Joachim Maudet, au Théâtre de Vanves dans le cadre du Festival ARDANTHE

 

© Joachim Maudet

 

ƒƒ article de Nicolas Thevenot

C’est un trio. Non pas de choc, car ils sont immobiles, ou presque. Ils ne portent pas le maillot jaune, mais un sous pull canari. Quand certains ont du chien, eux tirent plutôt du côté de l’oiseau, avec cette façon de mirer sans dévier d’une pichenette, à s’écarquiller le blanc et sa pupille. Ils sont une énigme posée sur un immense drap blanc tombant des cintres formant une insaisissable courbe alliant la verticale à l’horizontale. Tandis que le public s’installe, leur statisme dans des équilibres périlleux, la fixité de leur regard et l’impassibilité de leur visage étonnent. Aussi subrepticement que des mouvements infimes ont lieu, sans que l’on puisse déterminer à quel moment ils ont débuté, des voix commencent à se faire entendre. Dieu, me voilà pucelle d’Orléans ? ! Ne jurons pas, ce serait faire injure à la magie de la ventriloquie dont sont experts le larron et les deux larronnes.

Programmés par le passionnant Festival ARTDANTHE du Théâtre de Vanves, Joachim Maudet accompagné de Sophie Lèbre et Pauline Bigot ont présenté Welcome, une forme hybride mettant en tension les corps et la voix par le biais de la ventriloquie. Une recherche qui n’est pas complètement étrangère à Flora Détraz, chroniquée il y a peu dans ces mêmes colonnes. On y retrouve cette même phénoménologie de la dissociation des perceptions, doublée ici de l’estompement des repères visuels par la scénographie minimaliste mais efficace du drap blanc. Le phénomène bien sûr joue avec son public comme un phénomène de foire. Les ventriloques embusqués dans des corps de danseur commentent les tenues des spectateurs qui s’installent sur les gradins, les interpellent par leur prénom. La conversation ventriloque jouera de l’effet gag émanant de l’écart entre la forte expressivité des situations traduites en intonations et l’imperturbabilité des performers. Elle déviera vers le calcul mental, s’attellera à un compte à rebours, pour atteindre à une fête d’anniversaire de manière improbable et délicieuse. Si l’on comprend l’effet comique recherché, cet humour assez terre à terre nuit toutefois à l’illusion, qui ne peut complètement prendre son envol. Au contraire, lorsqu’à un moment précis les voix se métamorphosèrent en chant et que leurs admonestations se muèrent en boucles harmoniques à la manière d’un Philippe Glass, le spectacle se mit à planer incroyablement avec cette physique quantique du visible contredisant l’audible.

Il y a quelque chose de l’ordre du ça dans la ventriloquie semble nous dire Joachim Maudet revenant dans une autre séquence animalière sur le caca. Il est vrai que cet art ventriloque est un art de la rétention, les yeux brillants de concentration, une physique de l’émettre sans jamais permettre que rien ne sorte. Il s’agit de ne rien trahir, de ne pas laisser paraître. Et c’est probablement cette mise en jeu de l’entrave qui travaille au rire le plus subversif.

A force de se retenir, dans une dernière séquence magnifique et virtuose, ils décideront de tout lâcher après s’être aussi longtemps retenu. Moment de grâce rabelaisienne pour qui aime la langue et la salade de museau (perso j’adore). Inouï, il faut bien le reconnaître : nos trois comparses dans un corps à trois têtes, tel le groupe de Laocoon revisité, nous offrent une samba frénétique initiée et portée par la danse de leurs seules langues agiles : elles sortent, se trémoussent, font le guet, frétillent, se glissent à bâbord, à tribord, puis replient leur gaule dans un rythme effréné. Après la voix sans langue, voici la langue sans voix qui vit sa vie, et devient un corps étranger à son propre corps. Il y a du sexe là-dedans, du plaisir et du jouir, comme chez Rabelais. Et cela nous fait grand bien !

 

 

Welcome, de Joachim Maudet

Avec : Sophie Lèbre, Pauline Bigot et Joachim Maudet

Création lumière : Nicolas Galland

Création sonore : Julien Lafosse

Regards extérieurs : Yannick Hugron et Chloé Zamboni

Assistant vocal : Pierre Derrycke

 

Durée : 50 minutes

Mardi 15 mars à 19 h 30

 

Théâtre de Vanves (salle Panopée)

Théâtre de Vanves

12 Rue Sadi Carnot

92170 Vanves

Tél : 01.41.33.93.70

https://www.theatre-vanves.fr

 

 

Be Sociable, Share!

comment closed