Critiques // Warm, de Ronan Chéneau, mise en scène de David Bobée, Théâtre du Rond-Point

Warm, de Ronan Chéneau, mise en scène de David Bobée, Théâtre du Rond-Point

Déc 06, 2019 | Commentaires fermés sur Warm, de Ronan Chéneau, mise en scène de David Bobée, Théâtre du Rond-Point

© Sophie Colleu

 

ƒƒƒ article de Denis Sanglard

Béatrice Dalle est la torche noire qui embrase le texte érotique de Ronan Chéneau, incendie le plateau chauffé à blanc où Edward Aleman et Wilmer Marquez, circassiens d’une beauté à se damner, jetés dans cette fournaise, engagent un corps à corps jusqu’à la fusion absolue. Corps bientôt épuisés. David Bobée signe une mise en scène torride. Béatrice Dalle impériale en maîtresse de cérémonie donne chair à cette écriture qui envahit l’espace en son entier. Toute entière attachée à lui donner relief, une densité palpable dans la chaleur de la salle et du plateau qui monte de plus d’un cran. Plus de trente degrés dans la salle et plus de quarante-cinq sur le plateau. L’épuisement gagne vite nos deux circassiens. Et de cet épuisement ils font un duo gémellaire somptueux qui fait basculer leurs portés audacieux dans un mano à mano fragile mais d’une grande et troublante, franche sensualité. Ces deux corps éreintés, souillés de talc abrasif et trempés de sueur, éblouis par la lumière crue d’un mur de projecteur, lovés, enchâssés dans les rets de la voix de Béatrice Dalle qui ordonne crûment, férocement cette cérémonie, tanguent dans la chaleur, résistent à la fatigue avant de lâcher, vaincus. Les corps embrasés, brûlés, cramés de fatigue, s’embrassent, les bras qui portaient, désormais fléchis, enserrent, accueillent celui qui tombe et ne peut se relever. Ne le lâche plus. Il n’y a bientôt plus qu’un souffle. Leurs deux corps ne font plus qu’un. Indissolublement. Liés, enchaînés par la voix de Béatrice Dalle tout aussi épuisée, défaite, trempée de sueur. Il n’y a pourtant rien, aucun rapport entre ce numéro de portés acrobatiques et ce texte érotique brûlant, récit fantasmé d’une relation sexuelle à trois. Et pourtant David Bobée tisse des liens ténus, ouvre des correspondances étonnantes. Des rhizomes mystérieux qui palpitent et font vibrer le plateau et la salle en parfaite accordailles. Un plateau qui tremble, au réel, et gronde sous la nappe sonore de Frédéric Deslias épousant les méandres du texte, son souffle continu, son apogée éjaculée, son essoufflement létal. Il y a quelque chose de fascinant, de terriblement pasolinien à voir ces trois-là jeter leur corps sans réserve dans la bataille sans craindre les préjugés. Car rien d’obscène. Ou pourtant si, magnifiquement et magnifié, dans le regard que leur porte avec amour David Bobée à qui ils répondent, complices, avec jubilation. Une obscénité qui n’est pas pornographie, par sa gratuité et cette tension, cette rupture avec le réel propre aussi au théâtre. Et c’est ce regard-là, débarrassé de toute pudeur, théâtral, que nous épousons. Et cette autre transgression propre au travail de David Bobée, étroitement se faire correspondre les arts de la scène, d’amener Béatrice Dalle, sa muse, sur des chemins escarpés et de lui ouvrir d’autres horizons, aujourd’hui s’échapper de Lucrèce Borgia, apporte un souffle, une énergie phénoménale à cette création brûlante.

 

Warm de Ronan Chéneau

Mise en scène de David Bobée
Installation et direction David Bobée

Avec Béatrice Dalle, Edward Aleman, Wilmer Marquez

Création lumière et installation  Stéphane babi Aubert
Création son  Frédéric Deslias
Régie son  Cédric Achenza
Régie générale plateau  Sophie Colleu

 

 

Du 10 décembre 2019 au 5 janvier 2020 à 19 h
Relâche le lundi, le 25 décembre et 1er janvier
Théâtre du Rond-Point
2bis avenue Franklin D. Roosevelt
75008 Paris
Réservations 01 44 95 98 21
www.theatredurondpoint.fr

 

 

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