© Giovanni Cittadini Cesi
ƒƒ Article de Corinne François-Denève
Le 13 novembre 2015, Antoine Leiris n’accompagne pas sa femme Hélène au concert des Eagles of Death Metal. Il reste à la maison à garder leur fils Melvil. Le dimanche, la nouvelle est confirmée : Hélène figure au nombre des victimes de l’attentat du Bataclan. Le 16 novembre, son mari publie sur Facebook un long message qui commence par « Vous n’aurez pas ma haine ». Le 30 mars de l’année suivante, il publie chez Fayard un livre, également intitulé Vous n’aurez pas ma haine. La phrase sert aussi de titre à un documentaire réalisé par Antoine Leiris sur les victimes d’attentats. Au Rond-Point enfin Vous n’aurez pas ma haine est un seul en scène basé sur le livre initial – Leiris n’a pas contribué à l’adaptation.
Difficile de parler de « spectacle » ici, évidemment, et donc de se livrer à un exercice critique. Vous n’aurez pas ma haine raconte les premiers jours de la vie sans Hélène, pour un père et son fils de 17 mois, du soir du 13 novembre au lendemain de l’enterrement, quand Leiris emmène son fils sur la tombe de sa mère. Au début du spectacle, les mots liminaires de Leiris défilent sur le mur du fond. Ils sont redits plus tard par l’acteur. La parole est ici absolument restituée à l’auteur-victime. Le corps en scène n’est jamais que le porte-parole d’un autre, absent, unique et universel, qui s’adresse à son fils. Sur le plateau, donc, des symboles d’enfance, cocottes en papier, chaises de parc. Le père se défend de tout sentiment négatif, et ne veut retenir de l’évènement que le bonheur qu’il s’imposera comme devoir, pour son fils survivant et sa femme disparue. En effet, il n’est pas ici tant question de la mort d’Hélène que de la survie d’un amour, et de la vie d’un fils, Melvil. Du Bataclan, de l’attentat, des terroristes, il ne sera finalement que peu fait mention. De la vie des autres, en revanche, oui. Les détails font rire et pleurer : la balle dans la fesse, ridicule et salvatrice, de l’ami d’Hélène, les petits pots bio, que Melvil déteste, des mamans de la crèche.
Sur le plateau, un clair-obscur délicat. Derrière une gaze blanche, de temps à autre, une pianiste fait résonner des notes douces. L’histoire est séquencée, de brefs noirs permettent aux spectateurs de s’essuyer les yeux, de se moucher plus ou moins discrètement. Dès le début, le public étouffe des sanglots. Du véritable théâtre cathartique, donc – très cher – on est au Rond-Point. Retenons juste qu’il s’agit, aussi, et c’est essentiel, d’un petit monument, offert à Melvil Leiris, qui ne pourra être qu’un homme sinon heureux, à tout le moins fou d’images et de mots.
Vous n’aurez pas ma haine, d’après le récit d’Antoine Leiris
Mise en scène Benjamin Guillard
Avec Raphaël Personnaz
Composition musicale Antoine Sahler
Piano Lucrèce Sassella
En alternance avec Donia Berriri
Assistanat à la mise en scène Héloïse Godet
Scénographie Jean Haas
Lumière Jean-Pascal Pracht
Vidéo Olivier Béer
Durée 1h20
Du 14 novembre au 10 décembre 2017 à 18h30
Relâche les lundis
Théâtre du Rond-Point
2bis avenue Franklin D. Roosevelt
75008 Paris
Réservations 01 44 95 98 21
Reprise au Théâtre de l’œuvre du 2 mars au 14 avril 2018
L’hommage à Hélène Muyal-Leiris sur le site « en mémoire » du Monde :
http://www.lemonde.fr/attaques-a-paris/visuel/2015/12/05/helene-muyal-leiris-35-ans-enmemoire_4825291_4809495.html
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