© Jean-Louis Fernandez
ƒ Article de Victoria Fourel
Dans Vivre sa vie, film de Jean-Luc Godard, une fille ordinaire devient héroïne de tragédie. Rêvant de devenir actrice, Nana se retrouve à la rue, vit de la prostitution, tombe amoureuse et dans un destin tragique.
Ce qu’entreprend Charles Berling, c’est un dialogue avec l’œuvre de Godard, et non pas une simple relecture. Et c’est certainement la meilleure façon d’adapter l’écran pour la scène, tant il est difficile parfois de faire vivre le langage du premier dans l’univers de la seconde. Il s’appuie sur d’autres textes, ce qui permet d’enrichir le scénario d’extraits actuels et très différents, et ainsi d’éviter de tomber dans le suranné et la caricature d’une époque et d’une œuvre.
Malgré tout, on n’empêche pas le cinéma d’être présent, et parfois trop présent. Beaucoup de musiques de scène, quelque fois sans fondements, un écran très utilisé, un générique de début, bref, une profusion d’images qui est symptomatique des films adaptés pour le théâtre, et dont on pourrait parfois se passer. Au début, notamment, on met un moment à identifier les lieux et les personnages, tant les effets sont nombreux et ne s’installent jamais vraiment. Le découpage en tableaux donne lieu à des images très fortes, qui frôlent le cliché.
C’est pourtant un peu dur d’utiliser le mot de cliché. Car si certaines images sont dans une forme de surjeu, d’autres témoignent d’une grande connaissance de l’image, avec des jeux de reflet et de symétrie vraiment épatants. Le plateau est séparé en deux espaces, l’un pour les rencontres des personnages, et l’autre pour des moments plus intimes, plus imagés. Et ce découpage est remarquable quand le miroir qui fait la séparation se transforme en écran, en ombres chinoises ou en fenêtre vers autre chose. De même, certaines scènes utilisent ce miroir au maximum, comme une scène de bar jouée en partie dos à nous et donc face au miroir.
Ces réinterprétations parfois sculpturales de moments filmés nous donnent à voir l’envie de faire dialoguer les œuvres, d’attraper l’essence d’un film et de le rejouer complètement. Une fois que l’on accepte le rythme et la construction, le tout est plutôt habilement mené, et l’histoire suit son cours sans se perdre. On aime la façon dont les personnages se succèdent sous les traits d’Hélène Alexandridis et de Sébastien Depommier, on apprécie les lumières rapides et vives qui ne relâchent pas la pression.
Cette adaptation qui ne veut pas complètement porter ce nom a donc de belles qualités, et usent de nombreuses techniques et inspirations. C’est là aussi son grand défaut. Le nombre de textes utilisés ne permet pas toujours d’avoir le temps de faire des liens, la profusion de tableaux et de changements, le jeu très marqué de certains et certaines… Il y a beaucoup, beaucoup de choses sur ce plateau, comme pour aller le plus loin possible. Trop loin, peut-être ?
© Jean-Louis Fernandez
Vivre Sa Vie, de Jean-Luc Godard
Mise en scène Charles Berling
Dramaturgie Irène Bonnaud
Scénographie Christian Fenouillat
Lumière Marco Giusti
Musique Sylvain Jacques
Vidéo Vincent Bérenger et Cyrille Leclercq
Costumes Marie La Rocca
Avec Hélène Alexandridis, Pauline Cheviller, Sébastien Depommier et Grégoire Léauté
Du 26 novembre au 4 décembre 2019
Du lundi au vendredi à 20 h 30
Le samedi à 16 h 30 et 20 h 30
Durée 1 h 20
Théâtre Kantor – Ecole Normale Supérieure (Célestins Hors-les-murs)
15 parvis René Descartes
69007 Lyon
Réservation 04 72 77 40 40
www.theatredescelestins.com
comment closed