Critiques // « Vineta, la république des utopies » de Moritz Rinke au Théâtre de la Tempête

« Vineta, la république des utopies » de Moritz Rinke au Théâtre de la Tempête

Mai 21, 2011 | Aucun commentaire sur « Vineta, la république des utopies » de Moritz Rinke au Théâtre de la Tempête

Critique de Rachelle Dhéry

« Je veux que mes collaborateurs apprennent à jouer les uns avec les autres, et non les uns contre les autres »

Dans une vaste demeure délabrée et isolée de l’ex RDA, sont réunis en huis clos, sous la férule d’un mystérieux docteur Léonard, un premier capitaine de la compagnie Lloyd, un architecte berlinois, un ingénieur en bâtiment, le maire d’une petite ville, un responsable de ressources humaines, un manager à poigne, à qui l’on a confié la mission de créer une cité idéale baptisée Vineta, lieu des rêves disparus, située quelque part en mer du Nord. À travers ce projet d’urbanisme et d’architecture se révèlent tour à tour les luttes de pouvoir, la manipulation politique et les tristes conséquences d’une thérapie de groupe. Ces six personnages, accrocs au travail, vont devoir se confronter les uns aux autres, et plus souvent, les uns contre les autres, pour faire évoluer ce projet improbable. Fable contemporaine sur le monde du travail, Vineta est le reflet des dérives du chômage dans notre société et plonge le spectateur au cœur d’une manipulation sadique de l’esprit. L’œuvre a été élue, en 2001, par la revue Theater Heute, meilleure pièce de l’année.

© Lot

Le théâtre, porteur d’un message social

Avant tout, il faut saluer le texte, lequel, malgré certaines longueurs parfois inutiles et la lente introduction des personnages, possède une certaine force de caractère. Alliant subtilement la farce à la dénonciation, en passant par une vision nette de la culture d’entreprise et de la politique, dans un langage familier sans jamais être vulgaire, Moritz Rinke, aborde sans détours les problématiques de l’homme moderne. Que devient-on ou plutôt « qui » devient-on après la perte d’un emploi ? Dans nos sociétés où l’on se définit surtout par le « je fais », au lieu de le faire par le « je suis » (comme dans les sociétés dites “primitives”), le chômage peut conduire à la dérive, à la folie, et parfois, au suicide.

Représenté par une scénographie astucieuse et efficace

© Lot

Pour cette mise en scène, Lisa Wurmser, formée entre autre par Mnouchkine, propose un spectacle total : une scénographie dynamique, portée par une scène à deux étages et reliée par un escalier habilement conçu ; un décor modulable qui se dégrade peu à peu, au même rythme que les esprits confus des personnages ; de la musique et des chants parfois drôles, souvent très émouvants ; des comédiens au jeu, pour la plupart, parfaitement maîtrisé, vif et entraînant ; des portes qui s’ouvrent et se referment comme dans un bon vaudeville ; des lieux qui se dévoilent progressivement, comme une boîte magique ; et enfin, un vrai savoir-faire dans le mélange des genres, entre comédie satirique, burlesque, poésie et tragédie contemporaine. Et ça tombe bien : le Théâtre de La Tempête est un lieu idéal pour ce genre de créations.

Vineta, la république des utopies
De : Moritz Rinke
Texte français : Patrick Demerin et Lisa Wurmser (L’Arche Editeur)
Mise en scène : Lisa Wurmser
Avec : Jean-Louis Cordina, Guillaume Fafiotte, Camille Grandville, Michel Hermon, Jean Lescot, Stéphane Mercoyrol, Fannie Outeiro, Pierre Poirot, Jacques Verzier et la participation de Catherine Dasté, Geneviève Mnich et Sergueï Vladimirov
Assistanat à la mise en scène : Laurent Michel
Scénographie : Sophie Jacob
Costumes : Marie Pawlotsky
Musique originale : Gérardo Jerez Le cam
Musiques enregistrées : Iacob Maciuca, François Girard, Gérardo Le cam
Chorégraphie : Gilles Nicolas
Création lumière et direction technique : Philippe Sazerat
Accessoires : Emmanuelle Daverton
Collaboration : Olivier de Logivière
Création vidéo : Yvan Blanloeil
Maquillage : Mityl Brimeur

Du 28 avril au 29 mai 2011

Théâtre de la Tempête
Cartoucherie, Route du Champ de Manœuvre, Paris 12e – Réservations 01 43 28 36 36
www.la-tempete.fr

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