© Cécile Carlotti
A la lisière du Bois de Vincennes, le Village de cirque mêle depuis 17 éditions des créations variées, qui témoignent avec force et constance d’un cirque multiforme, inventif, généreux et témoin de son temps.
Cette année, le Village de cirque s’installe trois semaines, du 10 au 26 septembre, avec 16 compagnies pour 46 représentations dont 22 gratuites, 4 premières, 3 chapiteaux, des brunchs, des chevaux, des transats… Et on apprécie autant les propositions artistiques que l’ambiance familiale, tantôt détendue, tantôt festive !
ƒƒƒ Article de Hoël
Pigments, de Benoit Belleville et Germain Guillemot et 11 acrobates du CirkVOST
Dans un espace extérieur, nous arrivons devant une structure métallique imposante de 15 mètres. Pour pouvoir profiter pleinement de ce spectacle aérien de haut vol, nous voilà installés dans des transats, les yeux levés vers le ciel. Camaïeu bleuté sur cette toile de fond azur, arrivent bientôt les onze acrobates qui entament l’ascension de cette construction, tout de bleu vêtus et serrés les uns contre les autres. Groupe uni.
Il ne faudra pas longtemps à ces individus pour s’autonomiser, explorant chacun à leur gré ce terrain de jeu aérien. Car voilà, justement : qu’est-ce qu’un groupe ? Est-ce une masse informe ? Une somme d’individus ? Ou une toile tissée de solidarité ? Évolue-t-on avec ou malgré lui ? Trouve-t-on mieux sa particularité en se confrontant au groupe ou en s’en extirpant ?
Une initiative personnelle doit-elle fatalement déstabiliser le groupe ou bien peut-elle aussi le faire avancer vers de nouvelles voies ?
Avec Pigments, et avec cet outil vertigineux, le CirkVOST explore toutes ces questions sociales. Les tableaux alternent entre des chorégraphies collectives et des moments circassiens où certains individus seulement se détachent, par 2, 3 ou plus. Cette métaphore de la singularité est joliment illustrée par des changements de costumes aussi inattendus qu’ingénieux : le temps de laisser tomber un vêtement, ou de retourner une manche et l’individu passe de cet être conforme bleu à un individu original où chacun possède sa propre couleur.
En parcourant les diverses manières de se détacher du groupe ou d’y revenir, chaque tentative d’émancipation prend alors une tonalité humoristique, surprenante ou dangereuse. Et le spectateur se retrouve à avoir le cœur qui palpite au rythme de l’évolution de cette horde. On soulignera le rôle prépondérant de la musique qui accompagne parfaitement les tableaux, oscillant entre moments de grâce et voltige périlleuse.
Les diverses disciplines circassiennes parmi lesquelles on retrouve le trapèze volant à grande hauteur, les porteurs coréens, le trapèze ballant et son lot de sauts dans le vide, la corde volante, deviennent les moyens d’affranchissement tandis que la structure devient, en elle-même, un véritable agrès qui rassemble. On assiste ainsi à une performance de 40 minutes impressionnante et variée.
Pigments, de Benoit Belleville et Germain Guillemot
Acrobates : Arnaud Cabochette, Florian Vergniol, Maximilien Delaire, Jérome Hosenbux, Elie Rauzier, Théo Dubray, Louise Aussibal, Elien Rodarel, Tiziana Prota, Océane Peillet, Benoit Belleville, Célia Casagrande-Pouchet
Mise en scène : Benoit Belleville, Germain Guillemot
Création musicale : Simon Delescluse, Sébastien Dal Palu
Régie générale : Frédéric Vitale
Régie lumière : Simon Delescluse
Régie son : Maxime Leneyle, Sébastien Dal Palu
Costumes : Emma Assaud
Durée : 40 minutes
Desiderata, de la Compagnie Cabas
© Tom Neal
ƒƒƒ Article de Hoël
Après avoir passé 40 minutes les yeux levés vers le ciel, nous sommes invités à entrer dans un chapiteau duquel émanent une musique festive et des cris joyeux. C’est au tour de la Compagnie Cabas d’entrer en piste avec sa nouvelle création : Desiderata.
Ils sont six : six physionomies très différentes, six cœurs battants, six corps vivaces. Dirigés par Sophie Perez, ils sont six hommes à se questionner sur les questions du genre, de la norme, de la liberté. Qu’est-ce que les bouleversements autour de cette question de l’identité genrée provoquent chez ces hommes ? Déstabilisation, solidarité, résistances, engagement… Des prises de conscience dans tous les sens, qui bousculent les esprits et les corps.
Tour à tour, nous suivons les parcours, les réflexions et les ressentis de chacun de ces personnages qui dévoilent petit à petit leur sensibilité propre. On passe de moments dansés totalement débridés et déjantés à des instants de confessions intimes. Leur générosité n’a d’égale que leur sincérité.
Dans un rythme haletant, Desiderata nous embarque avec ces six hommes dans une pléiade d’émotions à cœurs et à corps ouverts. Envols, chutes, rattrapages, portés, étreintes et corps à corps : ils nous offrent cette secousse, ce vertige, avec le courage de leur vérité et tentent, par l’engagement physique, de libérer l’expression, premier point de départ à toute révolution.
Les voltiges, portique coréen et bascule coréenne sont ponctués de textes, ce qui est assez rare dans les spectacles de cirque et apporte donc une originalité indéniable à Desiderata. Ces confessions au micro et coups de gueules apportent du relief au spectacle et ce patchwork fonctionne parfaitement. Desiderata est spectacle engagé qui fait autant réfléchir qu’il est libérateur et jouissif ! Bravo !
Desiderata, de la Compagnie Cabas
Metteure en scène : Sophia Perez
Auteurs/Interprètes : Rémi Auzanneau, Hernan Elencwajg, Johannes Holm Veje, Tanguy Pelayo, Baptiste Petit, Martin Richard
Chorégraphe : Karine Noel
Création musicale, régie son: Colombine Jacquemont
Du 10 au 19 septembre 2021
Durée 1 h 30 environ
Village de Cirque
Pelouse de Reuilly
75012 Paris
Réservation : 01 46 22 33 71
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