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Vie et mort de H, de Hanokh Levin, mise en scène de Clément Poirée, au théâtre de la Tempête

Jan 12, 2017 | Commentaires fermés sur Vie et mort de H, de Hanokh Levin, mise en scène de Clément Poirée, au théâtre de la Tempête

ƒƒ Article d’Anna Grahm

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© Antonia Bozzi

Sur le plateau baigné de lumière, des portes dans tous les sens et qui flottent comme des planètes au dessus de la scène. Elles invitent au décalage, proposent une dynamique onirique, dessinent un territoire poétique.

Mais les portes qui claquent matin midi et soir, ignorent celles du ciel qui aspirent ceux qui n’ont plus rien à faire sur cette terre. Ceux qui franchissent le seuil de cette maison veulent croire, pourvu qu’ils l’affirment haut et fort, qu’ils détiennent les clés de leur destin.

Pour H, qui ne possède pas les codes technicolor, c’est l’enfer. Alors en attendant, que celle qu’il aime en secret lui ouvre son cœur, il se contente de cette petite place en creux qu’on lui octroie et se bourre de sucreries.

H se régale. H en chausson. Dans son grand pull délavé. H la figure du vieil adolescent, du Tanguy, du parasite. H se lèche les babines en dégustant un gâteau. Mais son plaisir sera de courte durée car ceux qui l’hébergent ne l’entendent pas de cette oreille. Car dans la famille Boubel, on ne supporte pas qu’il y ait quelqu’un de plus heureux qu’eux.

Chez ces gens-là, on se mesure, on s’envie, on s’épie, chez ces gens-là, on tient fermement à garder le monopole du plaisir. Et l’on se délecte des mauvaises nouvelles qu’on apporte, on se réjouit de la douleur que l’on inflige à autrui. Chez les Boubel on veille à son bonheur comme à la prunelle de ses yeux et l’on garde à distance la « mafia des humiliés ».

Ainsi va ce petit monde, curieusement normal, tournant tout en dérision, sur l’air d’une boite à musique, ainsi va ce microcosme haut en couleur, qui a besoin d’un plus malheureux que lui pour être heureux. Qui s’enferre dans la moindre mesquinerie, distribue des pouces baissés et réclame en permanence des pouces levés.

Et si le public s’amuse follement de cette mécanique vieille comme le monde, c’est qu’il reconnaît – à son corps défendant -, les ressorts grinçants de cette nature humaine qui manque singulièrement d’empathie. Il y a dans ce cow-boy en nœud papillon vert de jalousie, dans cette Barbie blonde et filiforme qui lui obéit, quelque chose qui lui ressemble. Et dans cette enfant roi, délicieusement impudique, dans ce bourreau des cœurs, tyrannique à souhait, il y retrouve un peu de ses propres enfants.

Pauvre monde qui se donne un mal fou pour se faire mousser devant les âmes en peine, qui dans la représentation permanente de lui-même oublie de s’inquiéter de ce qu’il engendre. Mais cette machine à produire des êtres joyeusement égoïstes, qui parfois piétine, va s’emballer. Créer des affinités et des divisions. Et ce ne sont pas les faire valoir les plus grimaçants qu’on a enfermé dans des cadres, qui vont payer le prix fort de cette liberté débridée.

Le metteur en scène emprunte à l’univers burlesque de Tim Burton. Il plante des personnages talqués, grimés, gominés qui semblent tout droit sortis d’un dessin animé. Ses acteurs sont généreux, facétieux, débonnaires et s’ils sont railleurs, offensants, et cruels, ils savent dans un mouvement de ralenti, se montrer fragiles et attachants.

Dans cette farce féroce et déjantée, point de rage pour dénoncer l’indifférence générale mais une tendresse infinie pour relever les travers d’une humanité qui peine encore et toujours à se rassembler.

Vie et mort de H
De Hanokh Levin
Texte français Laurence Sendrowicz
mise en scène de Clément Poirée
Scénographie Erwan Creff
Lumière Kevin Briard assisté de Nolwenn Delcamp-Risse
Musique Stéphanie Gibert

Avec Moustafa Benaïbout, Camille Bernon, Bruno Blairet, Eddie Chignara, Louise Coldefy, Emilien Diard-Detoeuf, Laurent Ménoret, Luce Mouchel

Théâtre de la Tempête
Route du Champ-de-Manœuvre – 75012 Paris
M° Château de Vincennes
Réservations 01 43 28 36 36
www.la-tempete.fr

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