À l'affiche, Critiques, Festivals // Véro 1ère, reine d’Angleterre, texte de Gabor Rassov, mise en scène de Philippe Nicole, Compagnie 26 000 couverts, Centre Culturel Irlandais / Festival Paris l’Été

Véro 1ère, reine d’Angleterre, texte de Gabor Rassov, mise en scène de Philippe Nicole, Compagnie 26 000 couverts, Centre Culturel Irlandais / Festival Paris l’Été

Août 01, 2019 | Commentaires fermés sur Véro 1ère, reine d’Angleterre, texte de Gabor Rassov, mise en scène de Philippe Nicole, Compagnie 26 000 couverts, Centre Culturel Irlandais / Festival Paris l’Été

© Christophe Raynaud de Lage

 

ƒƒƒ article de Denis Sanglard

La reine est morte, vive la reine.

La vie de Véronique c’est un terrible mélodrame à vous tirer des larmes, à faire pleurer le public… de rire. Où le destin fabuleux et tragique de Véronique qui rêvait d’être gérante d’un Franprix et finit reine d’Angleterre, passant d’une chambre de bonne sordide au palais de Buckingham et d’un trottoir à l’échafaud. Morale de cette fable, paradoxale et lapidaire : « une fin immonde n’empêche pas un dénouement heureux ! ». Les 26 000 couverts explore et dynamite avec éclat le théâtre forain et le répertoire mélodramatique. Et rien ne manque au tableau, des caravanes à la barbe-à-papa, de la sono qui gueule au synthé qui couine. Au centre de tout ça, la scène en majesté du théâtre ambulant des « Mélodrames Stutman ». Une famille au grand complet, sixième génération, pour un théâtre de foire, pour ne pas dire foireux, fait merveilleusement de bric et de broc, tout en toc, cousu main magistralement et dont les coutures sont un peu lâches et finissent par craquer. Histoire invraisemblable, rebondissements insensés, dialogues improbables et grandiloquents, personnages à l’emporte-pièce, emplois stéréotypés, jeu quelque peu approximatif, changements à vue et toiles peintes, bruitage en direct, intermèdes musicaux, le tout génialement mise en scène dans l’à-peu-près. Plus farce énorme, quoique fort subtile, que mélodrame larmoyant. Et louchant joyeusement vers le Grand-Guignol. Effets spéciaux (particulièrement le dernier tableau, impressionnant) et effets garantis donc. Et comme toujours avec les 26 000 couverts les coulisses importent tout autant. Pas de la grosse artillerie non, pas de gags intempestifs et faciles, à côté de la plaque, mais des actions ordinaires, presque anodines, en complet décalage, qui dévoilent l’envers du décor et désacralise ce qui sur le plateau se fait avec tant de sérieux et d’application. Le contraste n’en est que plus réjouissant. Les comédiens sont au fond, descendus des plateaux, des gens bien ordinaires, sauf peut-être Francis Huster, et le théâtre n’est qu’illusion. Après le cabaret, après le grand Will, après le théâtre subventionné, les 26 000 couverts s’attaquent au théâtre forain, théâtre de tréteaux, et c’est avec beaucoup d’humour et de dérision, comme toujours, beaucoup de poésie abrasive et d’amour vache aussi, qu’ils le font. Une équipe renouvelée, au sein de laquelle Denis Lavant, fourbe de service, mais toujours ce diable de Philippe Nicole à la manœuvre. Il y a là pour cette troupe issue de la rue comme un retour aux sources et une véritable jubilation à s’emparer d’un genre singulier prêtant si facilement le flanc à l’outrance, à la caricature – dans laquelle elle ne tombe jamais – complétement démodé et dans la forme et le fond, et dont elle se joue avec une évidente gourmandise. Avec dérision oui, mais jamais de ridicule, et tout au fond un exercice d’admiration et de style pour un genre populaire tombé en désuétude. « Les Mélodrames Stutman » c’est à eux seuls la survivance incongrue et itinérante du boulevard du crime, égaré au 21ème siècle, échoué dans une fête foraine, joué le plus sérieusement du monde par une bande d’hurluberlus qui auraient vaguement entendu parler de Jacques Copeau. Ou pas.  Et plus que le genre lui-même, ce qui semble intéresser Philippe Nicole ici c’est une lignée de comédiens, soutiers obscurs et héritiers de la culture populaire, celle de la rue, de son théâtre, amour du métier en sautoir, capable de faire des miracles avec trois fois rien, n’importe où, et peu nous chaut leur talent approximatif, d’enchanter un public, lui en donner plein les mirettes. Alors pour cette création généreuse et hilarante on ne peut que s’incliner bas devant cette reine dramatiquement surréaliste que n’aurait pas renié le père Hugo un jour de beuverie et reprendre la devise anglaise : Honni soit qui mal y pense !

 

© Christophe Raynaud de Lage

 

 

Véro 1ère, reine d’Angleterre, texte de Gabor Rassov

Mise en scène de Philippe Nicole

Création musicale Daniel Scalliet

Jeu, musique et manipulation : Sébastien Coutent, Patrick Girot, Valérie Larroque, Denis Lavant, Julien Lett, Daniel Scalliet, Ingrid Strelkoff

Régie générale Daniel Scalliet

Technique Michel Mugnier, Bérangère Thiery, Lise Le Joncour

Assistanat à la mise en scène Lise le Joncour

Construction, scénographie, accessoires Patrick Girot, Julien Lett, Michel Mugnier

Lumières Hervé Dilé, assisté de Bérangère Thiery

Costumes Camille Perreau avec Laurence Rossignol

Postiches et maquillage Lucie Pfeiffer’Ova

Coordination Lise le Joncour

 

Du 30 juillet au 3 août 2019 à 21h

 

Centre Culturel Irlandais

5 rue des Irlandais

75005 Paris

 

Réservations 01 44 94 98 00

www.parislete.fr

 

 

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