© Simon Gosselin
ƒƒƒ Article de Victoria Fourel
L’équilibre taciturne de la vie de Vania et de sa nièce Sonia est perturbé par l’arrivée du professeur et de sa femme. Un quotidien électrique s’installe, entre froid et explosions de frustrations et d’amours.
Nous sommes dans une salle à manger, sobre, sans âge, centre de toutes les conversations et aimant à corps et à cris. Le décor et la scénographie en bifrontal sont dès le départ le principal atout de ce spectacle. Intime, glacial et pourtant familier, il nous prend et ne nous lâchera pas. La direction d’acteurs ne cherche d’ailleurs pas le confort du spectateur, on ne verra pas tout, et de nombreux instants nous resteront mystérieux. Tout sera en revanche d’une grande densité, presque sans répit, sans silence, comme si une vie de fatigue et d’ennui ne pouvait qu’imploser d’un bloc.
Et si cette absence de vide peut gêner, elle est sans aucun doute la preuve d’un vrai parti pris de tension, d’urgence. Les personnages et leur adaptation jouent quant à eux un jeu dangereux : on s’amuse avec les époques, avec les incursions de notre temps et des autres, avec l’anachronisme théâtral. Dans certains spectacles, ce peut être complètement contre-productif de tenter de rendre actuel ce qui ne l’est pas. Etonnamment, ici, cela fonctionne. Grâce à un concret à toute épreuve, un sens de l’humour mordant, et une traduction qui n’oublie pas de revenir au plus proche du propos et du texte original. Si, dans l’émotion, certaines choses se perdent dans un jeu un peu appuyé, il y a une intensité incroyable dans les montées et échecs finaux.
Ah, et aussi, on rit. Tchekhov fait partie de ces auteurs chez qui le rire semble impossible. Et pourtant, il y crée à la fois le malaise, le décalage, la justesse. Cette utilisation de l’humour puisé directement dans le texte ne fait que souligner et intensifier la tristesse ordinaire des jours qui se suivent, de l’espoir aveugle de Sonia qui attend sa part de douceur, de l’amour mal dirigé, de la vanité puérile des hommes.
Laurent Stocker, Dominique Blanc et Stéphane Varupenne notamment trouvent ici des rôles à double-tranchant, extrêmement denses. Et les réactions dans la salle sont à cette image : larmes, rires sonores et/ou gênés, souffles de surprise. En effet, regarder la vie des autres chez Tchekhov reste définitivement une expérience surprenante.
Vania, d’après Anton Tchekhov
Mise en scène et scénographie Julie Deliquet
Avec Florence Viala, Laurent Stocker, Hervé Pierre, Stéphane Varupenne, Noam Morgensztern, Anna Cervinka et Dominique BlancDu 13 au 16 septembre 2017
Du mercredi au vendredi à 20h et le samedi à 18hThéâtre Gérard Philipe
59 bd Jules Guesde
93200 Saint-DenisMétro Basilique de Saint-Denis ou Tram T1
Réservation 01 48 13 70 00
www.theatregerardphilipe.com
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