Critiques // « Une Visite Inopportune » de Copi au Théâtre de l’Athénée

« Une Visite Inopportune » de Copi au Théâtre de l’Athénée

Mar 28, 2011 | Aucun commentaire sur « Une Visite Inopportune » de Copi au Théâtre de l’Athénée

Critique de Bruno Deslot

Le ridicule ne tue pas… ou presque !

Cyrille, un ancien acteur mégalo, se meurt du sida dans une chambre de l’Assistance Publique. Depuis deux ans, sa chambre est devenue un espace atypique où des personnages hauts en couleur se croisent. Ils appartiennent à la vie de Cyrille qui est entrain de la perdre.

© Pascal Deboffle

Des rideaux en plastique transparent séparent la salle du plateau et s’ouvrent, peu de temps après que la pièce débute, sur un espace improbable. L’ambiance aseptisée du milieu hospitalier est rapidement évacuée au profit d’une chambre transformée en boudoir, en salon de conversation, en espace de convivialité où malgré la perfusion que doit subir Cyrille, la mort est très rapidement en cavale. Elle se faufile, rôde, s’ourdit parmi les nombreuses interventions de cette galerie de personnages dont l’apparence est délibérément inspirée des dessins que l’auteur de la pièce, Copi (Raul Damonte Botana / 1939-1987) produit lorsqu’il arrive à Paris après avoir quitté Buenos Aires en 1963.
Voici deux ans que Cyrille, un acteur dramatique âgé, vit dans une chambre d’hôpital parisien qu’il a transformé en salon de réception et en loge. Les visites se succèdent, Hubert, l’ami de longue date, Jean-Marc, un jeune journaliste aussi mystérieux que silencieux, Régina Morti, une cantatrice aussi déchaînée que maternelle, Jean-Luc Vertudeau, un professeur enchaînant les expériences sur ses patients et Marie-Jo Bongo, une infirmière assez autoritaire. Dans la chambre du malade, l’agitation est frénétique autour d’un cadavre en devenir, d’un inverti qui peine à quitter les planches et tente de poursuivre sa route pour interpréter un rôle qui lui échappe bien malgré lui. Entrées, sorties, portes qui claquent, gifles, tirs de revolvers, coups de lampe… du boulevard retentissant, du théâtre comme si on y était, même lorsque le rideau tombe sur les deux morts allongés côte à côte.

© Pascal Deboffle

La folie et la gaîté qui caractérisent cette pièce provoquent un rire sérieux, emprunt de légèreté mais aussi d’une grande détresse. À mi-chemin entre la pièce de boulevard et le théâtre grand-guignolesque, l’opéra, le cirque ou la tragédie, tout est possible avec Copi et l’on peut très rapidement se perdre dans ce foisonnement si subtil de mots et de situations qui étonnent autant qu’ils surprennent. Néanmoins, on pressent à chaque instant « l’ombre envahissante du désir et du théâtre qui surgit » comme l’affirme Philippe Calvario.
Le désir de s’amuser est bien réel dans la mise en scène que Philippe Calvario propose d’ »Une visite inopportune » mais l’ombre du théâtre reste dans l’obscurité. On observe la chambre de Cyrille comme un char défilant lors de la Gay Pride ! Une succession de caricatures excelle, chacune d’entre elle, dans un genre facile et éculé. Les comédiens y vont à grands renforts de tambours et achèvent de donner à la proposition un sens opposé à la volonté de l’auteur. Perdu dans la confusion d’un jeu que l’on pourrait apparenter à une parade, seules quelques répliques du texte (trois ou quatre tout au plus !) nous parviennent. Pour le reste, la musique bat son plein, la boule à facettes tourne et la diva enchaîne les fausses notes en recourant à un vibrato manquant de souffle. L’infirmière annone de manière spasmodique son texte dont on ne comprend pas un traître mot, le jeune journaliste brille pas son absence. Michel Fau (Cyrille) est noyé au milieu de cette catastrophe naturelle et tente de se raccrocher aux branches d’un arbre inexistant que la scénographie aurait pu ajouter aux cahiers des charges.
Philippe Calvario fait ses armes avec un sommet de théâtre et on ne peut lui en vouloir de ne pas avoir eu le bon piolet pour l’attaquer par la bonne face.

Une visite inopportune
Texte : Copi
Mise en scène : Philippe Calvario
Avec : Louis Arene, Sissi Duparc, Michel Fau, Eric Guého, Marianne James, Lionel Lingelser, Les Sœurs de la perpétuelle indulgence du couvent de Paris
Scénographie : Audrey Vuong
Costumes : Aurore Popineau
Lumières : Bertrand Couderc
Son : Eric Neveux et Jean-Pierre Ensuque

Du 24 mars au 9 avril 2011

Athénée Théâtre Louis Jouvet
Square de l’Opéra Louis Jouvet, 17 rue Louis Boudreau, 75 009 Paris
www.athenee-theatre.com

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