Critiques // « Une Passion, Anaïs Nin-Henry Miller » de Delphine de Malherbe au Théâtre Marigny

« Une Passion, Anaïs Nin-Henry Miller » de Delphine de Malherbe au Théâtre Marigny

Mai 20, 2010 | Aucun commentaire sur « Une Passion, Anaïs Nin-Henry Miller » de Delphine de Malherbe au Théâtre Marigny

Critique d’Evariste Lago

« La vie s’agrandit ou rétrécit selon le courage que l’on a. » A. Nin.

Anaïs Nin est une écrivaine franco-cubaine née en France en 1903. Sa mère, divorcée, l’embarque vers les Etats-Unis avec ses deux frères. Anaïs quitte l’école à quatorze ans pour travailler comme mannequin à New-York et se marie à vingt avec Hugh Parker Guiler, un banquier. Ils s’installent tous deux à Paris. Anaïs commence à écrire un premier ouvrage consacré à David Herbert Lawrence (l’Amant de Lady Chatterley) et s’intéresse à la psychothérapie en étudiant avec un disciple de Sigmund Freud. Femme courageuse ayant su se libérer des carcans féminins de son époque, elle collectionne les amants qui sont pour la plupart des écrivains de renom comme Henry Miller. Ce dernier, avec sa femme June, tiendra une place de choix dans sa vie et influencera fortement son œuvre et sa vie. Anaïs Nin est connue pour ses journaux intimes, qu’elle tint dès ses onze ans (depuis que son père les a quittés), et ses récits érotiques.

La jeunesse d’Henry Miller est marquée par l’errance : il enchaîne les petits boulots et arrête ses études rapidement pour se consacrer pleinement à l’écriture. Il débarque à Paris en 1930, vit comme un misérable mais a le courage de continuer à croire. Il publie son premier roman, Tropique du Cancer, puis retourne aux Etats-Unis lorsqu’éclate la Seconde Guerre mondiale. Son œuvre littéraire lutte contre le puritanisme américain et sera largement censurée pour incitation à la pornographie.

Une passion est un huis-clos charnel entre Anaïs Nin et Henry Miller. Ils se rencontrent à Paris et brûlent d’amour alors que la crise de 1929 les a frustrés. Un amour platonique qui mue en une passion sexuelle. Ils sont tous les deux affamés de vie, de jouissances, dévorés de passions qui les inspirent pour décrire le monde. Il écrit ses lignes entre les jambes d’Anaïs pour mieux rapprocher l’homme de sa nature. Elle veut tout connaître de sa sexualité. Vingt ans d’un amour fusionnel et passionné s’offrent à nous. De leur histoire elle écrira : « Il faut vous imaginer des choses. Ce sont des choses inracontables. »

« Ce que d’autres ont seulement rêvé, je l’ai accompli. J’ai obéi au rêve.» A. Nin.

Après, Femme interdite et Vie érotique, Delphine de Malherbe s’est à nouveau inspirée d’Anaïs Nin pour écrire, mettre en scène et concevoir ce spectacle. Elle a souhaité adapter librement le Journal d’Anaïs Nin pour brûler les planches avec « Passion ». Mais la flamme et la cheminée sont fausses. Théâtraliser vingt ans de passion n’est pas chose aisée. Tout devrait être charnel, ardant, fusionnel et presque animal. Tout est cérébral. On devrait avoir envie mais on s’ennuie ferme. Evelyne Bouix et Laurent Grévill, qui interprètent Nin et Miller, épicent tant qu’ils le peuvent cette adaptation libre du Journal. Leur ressemblance physique avec les personnages qu’ils incarnent est troublante au contraire de la mise en scène qui manque de corps, de simplicité et de sincérité. La comédienne change de tenue aussi souvent que le mannequin Nin dans les années vingt sans jamais incarner pour autant vraiment le personnage. L. Grévill joue plus vrai que sa partenaire mais tout est hélas trop lisse, monocorde et monotone. Monotone,  la matière première, Le Journal, l’est certes également : cela n’aide pas. Les effets d’images, une fausse interview d’Anaïs, et la musique de Billy Holiday ponctuent les scènes. Un lit, un bureau et un feu de cheminée factice ornent la chambre parisienne des deux amants. La flamme est fausse et ne consume pas, à l’image de cette Passion. Un rideau blanc vient cacher les ébats pseudo-érotiques de notre couple de comédiens. Il n’y a pas l’empressement de la passion. D. de Malherbe ne pourra pas faire sienne la phrase de son inspiratrice : « Ce que d’autres ont seulement rêvé, je l’ai accompli. »  Mais la spectateur pourrait faire sien le « J’ai obéi au rêve. »

Une Passion
Anaïs Nin – Henry Miller

Texte et mise en scène : Delphine de Malherbe, librement inspiré du Journal d’Anaïs Nin
Avec : Evelyne Bouix, Laurent Grévill, et la participation d’Anne Suarez et la voix de Bernard Pivot
Collaboration artistique : Caroline Duffau
Décors : Jean-Michel Adam
Lumières : Marie Nicolas
Costumes : Bernadette Villard
Vidéo : Cyrille Varloff
Son : La manufacture sonore

Du 18 mai 2010 au 5 juin 2010

Théâtre Marigny
Carré Marigny, 75 008 Paris
www.theatremarigny.fr

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