À l'affiche, Critiques // Une Mariée à Dijon, de M.F.K Fischer, mise en scène de Stéphane Olry, Théâtre de l’Aquarium, La Cartoucherie

Une Mariée à Dijon, de M.F.K Fischer, mise en scène de Stéphane Olry, Théâtre de l’Aquarium, La Cartoucherie

Fév 06, 2016 | Commentaires fermés sur Une Mariée à Dijon, de M.F.K Fischer, mise en scène de Stéphane Olry, Théâtre de l’Aquarium, La Cartoucherie

ƒ article de Denis Sanglard

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© Hervé Bellamy

A table ! Autour de tables de banquet où un souper nous est servi, frugal et végétarien, les spectateurs, entre chaque service, écoute le récit de l’auteure américaine M.F.K Fischer. Récit d’une découverte, celui de la gastronomie française et d’un certain art de vivre. Mais bien plus que cela. Au restaurant Les Trois Faisans à Dijon, en 1929, un couple de jeunes mariés sont initiés aux joies du palais sous la férule du vieux Charles, le serveur. Un monde de sensations délicates que la narratrice cultivera sa vie entière. Six ans plus tard, divorcée, c’est avec son nouveau compagnon qu’elle revient à Dijon pour à son tour partager sa découverte de cet art délicat. Mais pour le vieux Charles, c’est un dîner d’adieux.

C’est une belle découverte que cette écrivaine. Une écriture fine et ciselée pour un thème, la cuisine, source d’inépuisables métaphores sur la vie. Ce texte a peut-être son équivalent en peinture par ces natures mortes où l’essentiel est dans de menus détails troublants, signes d’une mélancolie, d’une fragilité de l’instant, de l’éphémère et de la vanité de toutes choses. Que reste-t-il six ans après de ce premier repas ? Dès la montée de l’escalier qui mène à la salle à manger, les souvenirs se brouillent, des odeurs pestilentielles précèdent le fumet des plats attendus. Le vin se renverse sur la table. Les soucoupes sont maculées de la soupe mal versée. Le vieux Charles tremble. Le plaisir est là, retrouvé, intact mais entaché, poisseux comme la bouteille de vieux marc au goût puissant et rare offerte. Ce sont de menus détails qui soudain ouvrent le texte sur un horizon incertain, une mémoire flottante. C’est un rapport au monde paradoxal et singulier, unique. Le plaisir de la chair prélude au plaisir de l’amour. Menacé de pourriture… Au centre des tables dressées où les spectateurs dégustent les mets offerts, instant de convivialité où les langues se délient, claquent, chacun de s’exprimer sur ce que contient son assiette, les motifs et couverts dépareillés, la découverte d’un légume inconnu, Corinne Miret sur un petit plateau raconte ce dîner à Dijon, simplement, clairement, comme ça. Avec gourmandise et sans nul effet autre que le plaisir de partager, d’offrir ce récit. On pense à Colette, la gourmande sensuelle à l’accent du terroir bourguignon, on songe à Marie Rouanet et sa « cuisine amoureuse »…On découvre là un auteur au son du violoncelle de Didier Petit qui accompagne cet instant, ce repas littéraire et convivial d’un archer expressif. Ce n’est pas une création ambitieuse mais quelque chose d’infiniment plus rare, un instant partagé, une découverte. Et c’est beaucoup.

 

Une Mariée à Dijon d’après deux récits de M.K.F Fischer
Adaptation et mise en scène Stéphane Olry
Scénographie d’après une idée de Meggie Schneider
Lumière Sylvie Garot
Récit Corinne Miret
Violoncelle Didier Petit

Du mardi au samedi à 21h
Le dimanche à 19h
Du 2 au 21 février 2016

Théâtre de l’Aquarium
La Cartoucherie
Route du champ de manœuvre
75012 Paris
Réservation 01 43 74 72 74
www.theatredelaquarium.com

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