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« Une fenêtre » d’Edward Bond, L’Arche Editeur

Oct 18, 2010 | Aucun commentaire sur « Une fenêtre » d’Edward Bond, L’Arche Editeur

Lecture de Dashiell Donello

« Celui qui regarde du dehors à travers une fenêtre ouverte, ne voit jamais autant de choses que celui qui regarde une fenêtre fermée. »
Charles Baudelaire.

Une fenêtre est une pièce, en trois panneaux, qui se passe de nos jours, dans l’appartement d’une tour d’habitation en ville.

Au premier panneau, Liz, qui attend un enfant, est anéantie après avoir lu un horrible fait divers dans le journal. Il relate la tragédie d’une femme qui aveugle son enfant pour le rendre dépendant d’elle. Liz a besoin d’un peu d’espace autour de sa tête. Elle veut être au calme. Elle installe son lit dans une autre pièce de l’appartement qu’elle loue à son nom. Richard, son compagnon, qui a galéré toute la journée, se méprend sur ses intentions. Il se figure qu’elle veut le mettre à la porte. Ils se disputent.

Après une accalmie, Liz annonce à Richard qu’elle est enceinte. Mais ce dernier ne veut pas faire sa vie avec un chiard. (…) j’veux pas d’un p’tit malfrat qui m’rackette. A quoi ça sert un gosse demande-t-il. Richard veut qu’elle avorte. Débarrasse-t-en ou j’me tire dit-il en quittant l’appartement.

On retrouve au deuxième panneau Liz plusieurs années après, abîmée par la dépendance à la drogue. Dan, son jeune fils, livre à sa mère un paquet que lui avait donné un certain Arno, mais ne veut plus voir sa mère partir en morceau : « C’est sérieux – me fournirai plus ». Dan blessé dans une « embrouille » se couche et s’endort. Pendant son sommeil Liz sort le paquet de sa poche et lui parle : « Essaye-z-en. Certains gosses naissent accros. Par leur mère. S’ils en prennent pas i’s’dessèchent et meurent. » Elle voudrait que Dan essaye pour qu’il puisse comprendre. Lui ne risque rien. Il n’a pas la rage en lui. Elle tout ce qui lui reste de respect c’est sa honte. Elle n’a jamais raconté à Dan l’histoire de la mère qui a fait sauter les yeux de son fils. Alors la meilleure came serait-elle la mort ?

Dans le troisième panneau Richard se présente à Dan sous la fausse identité  d’un agent des services sociaux. Dan, méfiant, lui demande sa carte. Pressentant qu’il sera bientôt démasqué, Richard lui avoue être son père. Alors va s’engager entre le père et le fils un dialogue de sourd sur la recherche de la vérité de ce qu’on est vraiment.

Un enfant, si on s’acharne à lui dire qu’il est méchant, deviendra méchant. Si on traite les gens d’animaux, ils se comporteront comme des animaux. E.B

Ce n’est pas Une fenêtre, une des dernières pièces d’Edward Bond, qui le désavouera sur ses interrogations de comment exister, dans un monde d’injustice sociale, de mensonge et de détresse humaine. L’auteur de La Compagnie des hommes, y retourne avec force et détermination, pour dénoncer que l’iniquité des hommes, est toujours aussi grande. Aussi fait-il fi du cogito, ergo sum de Descartes qui n’est pas sa tasse de thé et ce de beaucoup. Pour tout dire, Edward Bond a la conviction que c’est l’imagination qui nous différencie de l’animal et non la pensée : « Aucun animal ne peut jouer du violon, ou ne le voudrait. Mais il peut penser. Il a besoin de penser, même ! Si vous voulez avoir une conscience de vous-même, vous devez avoir l’imagination. Ce qui décidera si nous allons ou non nous détruire dans les cinquante prochaines années, c’est ce que nous ferons de notre imagination. » La structure de la pièce a une psyché œdipienne. Sa représentation dramatique joue sur les traumatismes : Liz et le fait divers, Dan et la révélation tardive du père qui se comporte en rival pour récupérer le « butin ». Les situations sont autant orales que physiques : monologue de Liz à son fils endormi, lutte de Dan contre son père, dialogue du fils avec sa mère qu’il réincarne dans les restes de ses vêtements.

La dramaturgie de Bond est une extrême concentration de regard sur l’être humain et sa façon d’être. Les personnages prennent, à bras-le-corps, la situation dans laquelle ils se trouvent, pour affronter de manière radicale l’imagination des autres, et d’être à même à scruter l’intimité de leur condition. Cette « fenêtre » nous donne donc a voir et non à penser, afin que notre imagination atteigne à l’acuité des sens et du sens de notre vie. C’est pour cela que Edward Bond est essentiel au théâtre.

Dans Une fenêtre on pense aussi à Sarah Kane.  Est-ce que Bond a pensé à Sarah Kane ? Liz s’est pendue tout comme Sarah Kane s’est pendue :

On m’a demandé : « Pourquoi est-elle morte ? » J’ai répondu : « Parce que vous ne lui avez pas donné de raison de vivre. » Aujourd’hui, on ne donne plus aux gens de raison de vivre. A part l’espoir d’acquérir la version ultime d’un produit. E.B

Edward Bond est né en 1934 dans une banlieue nord de Londres, d’une famille ouvrière. Il est aujourd’hui considéré partout dans le monde comme l’un des plus grands auteurs de théâtre contemporains.

Une fenêtre
d’ Edward Bond
L’Arche Editeur
86, rue Bonaparte
75 006 Paris

www.arche-editeur.com

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