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Una costilla sobre la mesa : Madre, d’Angélica Liddell, Théâtre la Colline

Jan 21, 2020 | Commentaires fermés sur Una costilla sobre la mesa : Madre, d’Angélica Liddell, Théâtre la Colline

 

 

© Luca del Pia

 

ƒƒƒ  article de Nicolas Brizault

Angélica Liddell présente au théâtre de La Colline deux spectacles en alternance, Una costilla sobre la mesa : Madre et Una costilla sobre la mesa : Padre. C’est Madre dont nous allons parler ici, le thème est quasiment le même, la perte d’un parent. À trois mois d’intervalle le père, la mère meurent. Et explosent la douleur, le désespoir qui peuvent en ressortir. Dans Madre une fille perd sa mère et se lamente, pleure, crie, se donne des coups. Le chagrin fait parfois perdre pied, c’est le cas ici, cette femme se donne des coups, devant le portrait de sa mère, elle hurle, vacille, tombe, passe dans un autre univers qui lui permet de ternir.

C’est ce que l’on pourrait dire du thème. On pourrait écrire des kilomètres sur la valse terrifiante du chagrin, etc. Bien sûr, c’est ça. Mais là, le vrai, le faux, le sensible et le terrible vont danser dans un cortège religieux et chaotique, primaire. La mère est morte, manque, vide, putréfaction, et qui sera la suivante ? La fille donc moi hurle cette femme entourée de démons ou de fantômes, on ne le sait trop, il faudrait se plonger là fin connaisseur de cette culture si explosive. La fille est liée sur une croix pour souffrir plus encore, sentir, être au bord de l’explosion. Du vrai, du faux, peu importe, l’image est là, donc oui. Oui. Un homme couvert d’une peau de chèvre hurle, hurle encore, dansant avec la tête glorieuse d’un porc. Des âmes apparaissent, se relèvent de chaises sur lesquelles elles étaient figées, une petite fille est demie sainte vierge, pleinement la mère, tout se superpose, se persécute, culbute, dépasse et plus encore. On ne comprend rien, on se perd et comprend tout. Madre est terrible pour cela : on est à deux doigts de se demander si ce que l’on a sous les yeux vaut la peine de rester, s’il ne fait pas plus beau ailleurs, les sifflements, ou l’envie de siffler au moins est là, trop, tous les sens, le mot ridicule se construit et… éclate ! Non, un talent incommensurable, Angélica Liddell avec Una costilla sobre la mesa (Une côte sur la table) nous éclabousse d’un type de génie écrasant. Le texte tombe, dans tous les sens peut-être, on peut en ressortir ce que l’on sent, ce que l’on veut : il est là et creuse, pénètre. Le fait que ce spectacle soit en espagnol et que la traduction en français apparaisse en grand en fond de scène ajoute presque, le transformant en arme blanche, en pilules d’antidépresseurs, en masse en tout cas nous faisant choir dans la folie même de cette femme, dans son chagrin tout bêtement.

Oui, cet ouragan est sans doute fort simple. La douleur, le manque. Comment et pourquoi rester froid, gris et terne après la mort de sa mère ? Angélica Liddell nous éclabousse, oui, comme nous le disions, elle nous enferme, nous perd et nous place devant une simplicité désarmante, deux dates qui apparaissent « 1937-2018 » et cette photo avec un ruban noir, la mère, tout et plus rien. C’est pour cela que l’on se met à aimer ce surprenant spectacle, à la fois baroque, religieux, terrestre, proche de la pourriture, parfois beaucoup trop, il faut le dire, l’avouer, proche d’une lourdeur désirée, allez savoir. Dire « spectacle » semble même déplacé, loin des échos renversés qu’il est censé représenter.

Angélica Liddell est accompagnée d’une troupe désarmante allant d’une petite fille qui devient la mère en passant par des hommes-étoiles, du mal, du bien, du beau, des immondices extraordinaires. Tous et toutes sont électrocutés d’un talent sans limites. Les chants, les cris, le silence. Nous leur devons tout ça. OK. Et ¿Padre?

 

Madre, texte, mise en scène, scénographie, costumes et jeu Angélica Liddell

Avec Angélica Liddell, Gumersindo Puche, Niño de Elche, Ichiro Sugae

Assistanat à la mise en scène Borja López

Lumières Jean Huleu

Son et vidéo Antonio Navarro

Régisseurs plateau Nicolas Guy, Michel Chevallier

Production et diffusion Gumersindo Puche

Logistique Saité Ye

Communication Génica Montalbano

 

Du 18 janvier au 9 février 2020 au Grand Théâtre

Les samedis à 20 h 30 et les dimanches à 15 h 30

Spectacle en espagnol surtitré en français, présenté en alternance avec Una Costilla sobre la mesa : Padre

 

Durée 1 h 30

Théâtre National de La Colline

15 rue Malte Brun

75020 Paris

Réservation 01 44 62 52 52

www.colline.fr

 

 

 

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