Critiques // « Un Tramway » d’après T. Williams adapté par Krzysztof Warlikowski à l’Odéon

« Un Tramway » d’après T. Williams adapté par Krzysztof Warlikowski à l’Odéon

Fév 13, 2010 | Aucun commentaire sur « Un Tramway » d’après T. Williams adapté par Krzysztof Warlikowski à l’Odéon

Critique de Bruno Deslot

Un Tramway pour l’ennui !

Krzysztof Warlikowski met son Tramway sur les rails de la surenchère, dans une adaptation d’à peu près Tennessee Williams, taillée sur mesure pour une comédienne hors normes !

Evènement ou production pratiquant l’onanisme de la parole intelligente pour satisfaire l’égo de quelques uns, le Tramway de Warlikowski déraille sur la scène du Théâtre de l’Odéon. Blanche DuBois ou Blanche Huppert, on finit par ne plus savoir qui est qui dans cette longue ellipse de l’autosatisfaction, développe un don d’ubiquité quasi obsessionnel, grâce à un système de vidéo caméra dont l’objectif ne la quitte jamais. Sur scène, comme à l’écran, Isabelle Huppert est partout, reléguant ses camarades de jeu à l’ombre de son omniprésence. L’image projetée en fond de scène, devient icône, se faisant l’écho de toutes les intentions de la comédienne. Une mise en abîme douloureuse et saturée de séquences inutiles, qui annoncent, certes, le désastre à venir, mais réduit la pièce à un monologue redondant, animé par des figurants à qui, de temps en temps, la parole est accordée.

Splendide en nuisette, Isabelle Huppert l’est aussi en vêtements de ville et pas des moindres, les Maisons Yves Saint Laurent et Christian Dior, ont habillé la demoiselle pour l’occasion. Un joli défilé de mode qui permet, une fois de plus, de faire converger tous les regards vers le personnage principal du Tramway de Warlikowski. Aussi douée soit-elle, il manque, autour d’Isabelle Huppert, cet esprit du collectif, propre à n’importe quel travail scénique.

Une traduction à la once again !

Pour cette libre adaptation d’Un Tramway nommé Désir, Warlikowski a demandé à Wajdi Mouawad, l’auteur et metteur en scène libano-québécois, une nouvelle traduction, qui a le mérite de donner un ton résolument contemporain au propos, mais dont le style trahit une profonde naïveté et une lourdeur assumée, portant toute l’influence du drapeau américain. La finesse et l’élégance ne sont pas de mises pour cette traduction qui additionne des répliques étonnamment crues, voire sans grand intérêt à part celui d’alléger la partition, chargée de citations inutiles qui étirent le temps de la représentation.

L’écriture a été recentrée sur le personnage de Blanche, en usant d’une langue moderne et directe, offrant de nombreux monologues au personnage principal.

La querelle des images !

Entre les images de Blanche, projetées en fond de scène durant presque toute la représentation, et les trop nombreux textes intégrés à l’adaptation, la citation, le symbole, la référence etc…Finissent par donner la nausée !

Le choix des textes est cependant magnifique avec ce poème de Claude Roy Bestiaire du coquillage, qui débute et conclut le spectacle avec toute l’innocence de l’enfance, faisant référence à l’enfant dont Stella, la soeur de Blanche, est enceinte. Puis le style magnifiquement soutenu de Dumas, nous fait entendre un extrait de La Dame aux camélias, personnage si proche de Blanche. A cela, s’ajoute l’Evangile selon Saint Matthieu, Salomé d’Oscar Wilde, Le Banquet de Platon et pour couronner le tout, La Jérusalem délivrée du Tasse. Trop c’est trop, mais pas encore assez semble-t-il ! Le spectacle touche presque à sa fin, lorsque Stanley, le mari de Stella, propose de raconter la blague de Coluche Fesse qui te plaît ! Dans un dernier soupir avant l’exil, Blanche cite Oedipe à Colonne ! Des ruptures récréatives, interrompent le cours des choses lorsque Renate Jett interprète quatre chansons longues et inopportunes.

Une scénographie du sublime

Des pistes de bowling, au bout desquelles sont placées des quilles, tracent la perspective de l’infini, l’irréparable, l’inéluctable destin tragique de Blanche, enfermée dans un long couloir aux vitres opaques, faisant lieu de salle de bain. Mobile et gagnant du terrain en fonction des scènes, cet élément du loft spacieux dans lequel Stella vit avec son rustaud, forme le couloir de la mort, celui que Blanche traverse pour rejoindre l’asile. A l’avant de la scène, un salon réduit à sa plus simple expression dans un design très actuel, se situe à l’opposé d’un lit sur et sous lequel Blanche s’épanche, se révèle, s’effondre.

Une scénographie très sophistiquée pour une mise en scène digne du travail de Warlikowski, qui dans sa course au personnage principal en oublie ceux qui accompagnent Blanche dans sa déraison.

Le principe du road movie fonctionne comme sur des roulettes, et voici Blanche dévastée, assise sur un tabouret, naturelle, cherchant à articuler des paroles lapidaires qui annoncent son internement. Le spectacle débute ainsi, et s’enchaîne sur les séquences clés de la vie du personnage principal. Sa lente dégradation dans un monde chaotique avec la folie pour terminus. Isabelle Huppert est remarquable, tout simplement étonnante, mais la production du spectacle pèche par excès de zèle !

Ne pas connaître Tennessee Wiliams, ou venir sans a priori est sans doute une démarche qui ne risque pas d’inscrire le spectateur dans un agacement et une déception trop prévisibles.

Un Tramway
D’après : « Un Tramway nomme Désir » de Tennessee Williams
Texte français : Wajdi Mouawad
Adaptation et mise en scène : Krzysztof Warlikowski
Dramaturge : Piotr Gruszczynski
Décor et costumes : Malgorzata Szczesniak
Lumière : Félice Ross
Musique : Pawel Mykietyn
Perruques et maquillage : Luc Verschueren
Vidéo : Denis Guéguin
Son : Jean-Louis Imbert
Avec : Isabelle Huppert, Andrzej Chyra, Florence Thomassin, Yann Collette, Renate Jett, Cristiàn Soto

Du 4 février au 3 avril 2010

Théâtre de l’Odéon
Place de l’Odéon, 75006 Paris
www.theatre-odeon.fr

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