© Christophe Raynaud de Lage
ƒƒ article d’Emmanuelle Saulnier-Cassia
Un jour, je reviendrai n’est pas un titre de Jean-Luc Lagarce, mais la réunion de deux de ses textes (L’Apprentissage et Le Voyage à La Haye) par le metteur en scène et directeur du CDN de Sartrouville Sylvain Maurice.
Il s’agit bien de deux récits, et non de pièces de théâtre, qui consistent en deux monologues, plus ou moins authentiquement autobiographiques, prononcés par un narrateur anonyme qui emprunte beaucoup à la personnalité et à la vie du dramaturge.
Vincent Dissez entre sur le plateau, enlève son tee-shirt et, sous la douche de lumière unique exposant son buste frêle, entame le premier monologue, dans une diction quasi parfaite.
Il parvient à trouver l’équilibre improbable entre l’épure de la langue ciselée de Lagarce (à l’apogée sans doute de son œuvre dans le texte de L’Apprentissage) et un humour irrésistible, donnant plus de poids encore à l’indicible. La salle rit beaucoup, franchement, échappant ainsi l’espace de plusieurs instants au suffoquant, qui résulte des situations banales vécues par un malade à l’hôpital, révélant par des détails de son quotidien l’insoutenable.
La prosodie toute particulière à l’écriture de Jean-Luc Lagarce, qui a des parentés (surtout dans L’Apprentissage) avec certains textes de Sarraute (en particulier Pour un oui pour un non), dont la proximité formelle rejoint même parfois étonnamment le fond (les non-dits, les petits riens qui conduisent à l’explosion de reproches révélant en fait des incompréhensions profondes entre des parents ou amis) est parfaitement maîtrisée par le comédien bougeant à peine sur scène. Priorité est donnée au texte. Toutefois, le mouvement n’est pas totalement absent grâce au(x) son(s) et à la lumière. On passe ainsi d’une scène à une autre de manière très fluide avec la récurrence d’un son répétitif proche d’une sirène et un jeu de carrés de lumières (de Rodolphe Martin) qui se multiplient sur le plateau, représentant autant de fenêtres s’ouvrant sur le monde nouveau qui s’offre peu à peu au narrateur. Une renaissance.
Ce texte qui ne doit pas seulement être entendu comme la sortie descriptive d’un coma, mais peut ou doit aussi être interprété d’une manière allégorique, porte en lui un souffle si puissant et une langue si belle que Le Voyage à La Haye est presque décevant. Il est pourtant au fond bien plus terrible, jouant sur un registre plus réaliste et très proche du journal intime des ultimes mois de l’auteur. Dans un éclairage à dominante de rose, mais dont la symbolique ne relève pas de l’évidence, Vincent Dissez qui s’est rhabillé, rend à la fois un bel hommage à la passion vitale du comédien pour le théâtre et au théâtre lui-même. Après des mois d’une frustrante et imposée abstinence, l’attente a été comblée ce soir de première au théâtre de Sartrouville…
© Christophe Raynaud de Lage
Un jour, je reviendrai de Jean-Luc Lagarce
Mise en scène Sylvain Maurice
Assistante à la mise en scène Béatrice Vincent
Scénographie Sylvain Maurice en collaboration avec Vincent Neri
Lumière Rodolphe Martin
Son et régie Cyrille Lebourgeois
Régie générale André Neri
Costumes Marie la Rocca
Avec : Vincent Dissez
Du 1er au 23 octobre 2020
À 19 h 30, du mercredi au samedi
Durée 1 h 30
Théâtre Sartrouville Yvelines CDN
Petite salle
Place Jacques Brel
78500 Sartrouville
Bus aller-retour depuis et vers Paris, place de l’Étoile (gratuit avec réservation obligatoire, 1 h 15 avant le spectacle) ou navette depuis la gare RER de Sartrouville
Réservation 01 30 86 77 79
En tournée
Théâtre de Lorient, CDN, 2-3 décembre 2020
Les textes de L’Apprentissage et Le Voyage à La Haye sont publiés aux Solitaires intempestifs
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