À l'affiche, Critiques // Un Homme qui dort, d’après Georges Perec, mise en scène Cyril Tournier, au Théâtre des Marronniers

Un Homme qui dort, d’après Georges Perec, mise en scène Cyril Tournier, au Théâtre des Marronniers

Fév 13, 2019 | Commentaires fermés sur Un Homme qui dort, d’après Georges Perec, mise en scène Cyril Tournier, au Théâtre des Marronniers

 

© Martin Stranka

 

ƒƒƒ Article de Victoria Fourel

Seul et de plus en plus seul. Dans une ville froide et de plus en plus froide. Dans ce texte, Perec se parle, se décrit, et s’encourage petit à petit à être absent au monde. Un questionnement sur le sens de la vie, l’immobilité et la marge servi par une mise en scène moderne et sobre.

Le roi, c’est le texte. Le jeune comédien, seul, assis dans la pénombre, le dit, le parle. Avec une splendide diction classique, il donne avec lenteur un texte précis, musical, dont toutes les subtilités nous parviennent. Même s’il s’envole parfois, c’est une partition extrêmement tenue, que l’on peut juger froide parfois, mais qui fait mouche. Le jeune homme s’efface au profit de son discours. C’est tout à fait le message qu’envoie l’œuvre de Perec.

Un univers sonore et visuel naît sous nos yeux, imperceptiblement, pendant que parle l’étudiant. Enveloppant, discret, le travail vidéo sait rester mystérieux. Le comédien apparaît et disparaît au gré des images projetées, révélé et englouti par la ville. C’est intelligent, et un peu à contre-courant de la profusion d’effets et d’idées que contiennent les spectacles aujourd’hui. Ici, le moins possible, c’est le mieux possible.

Le mieux car ce que dit ce texte, c’est qu’agir peut être une souffrance, que le retrait, l’immobilité, l’isolement, sont parfois le meilleur refuge. Que la question de notre présence au monde se pose vraiment. Pourquoi faire, pourquoi agir ? Quelle est la place ? Peut-on se mettre en arrière volontairement, rester complètement isolé ? Tout cela n’est pas bien théâtral, et pourtant, la performance de comédien est là, la performance technique aussi, comme pour prouver que même immobile, vêtu de noir, sans faire de mouvement, on peut dire tant de choses de nous, de notre corps, de notre rôle.

Bien sûr, il est possible de décrocher, parfois. L’ambiance feutrée et l’immobilité du comédien font que notre esprit vagabonde. Mais en l’occurence, ce n’est même pas grave. Car notre esprit vagabonde entre les quatre murs du théâtre, et revient vite à sa place à l’écoute du texte, et de la tension maximum que Pierre Micheletti imprime sur la scène. Et lorsque soudain il esquisse un geste, ou lorsque tout à coup il semble perdre le contrôle, on s’accroche à nouveau à son mal-être. L’écoute de la salle est très forte, la concentration est totale.

Pas évident de prime abord, de se dire qu’un monologue à la fois romanesque et biographique puisse faire un si beau moment de scène. Ce spectacle témoigne de l’amour de jeunes comédiens pour les mots en tant qu’objets sonores, pour la scansion, même. Surprenant, suranné, mais très moderne, cet Homme qui dort nous a définitivement éveillés.

 

Un Homme qui dort, d’après Georges Perec

Mise en scène Cyril Tournier

Lumières Vincent Morland

Création Vidéo Catherine Demeure

Création Sonore Chloé Barbe

 

Avec Pierre Micheletti

 

Du 11 au 15 février 2019

A 20h30, sauf le lundi (19h)

 

Théâtre des Marronniers

7 rue des Marronniers

69001 Lyon

 

Réservation 04 78 37 98 17

http://www.theatredes-marronniers.com

 

 

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