© Christophe Raynaud de Lage
Article de Philippe Escalier
L’adaptation au théâtre d’un roman aux accents intimistes est toujours chose périlleuse. Avec une mise en scène très statique et malgré quelques courtes séquences plutôt réussies, la proposition de Mathieu Touzé, actuellement à l’affiche du Théâtre de Belleville, peine à convaincre.
Un Garçon d’Italie est le troisième roman signé Philippe Besson dans lequel se retrouvent les thèmes qui lui sont chers, l’homosexualité, le secret, la complexité des rapports amoureux. Le scénario tourne autour d’un trentenaire, retrouvé noyé sur les bords de l’Arno. L’enquête déclenchée par ce décès nous laisse découvrir une double vie partagée entre un jeune prostitué et une compagne issue d’un milieu aisé, ignorant bien évidemment tout de l’existence de ce jeune rival. Alors que le doute reste longtemps présent dans l’esprit des enquêteurs, la révélation post-mortem de ce trio amoureux particulier va rendre le deuil plus pesant encore pour les deux survivants, alors même que l’auteur apporte sur ces vies bouleversées l’éclairage de chacun des trois protagonistes. Si l’art de Philippe Besson n’est pas en cause dans cette tentative d’introspection généralisée, on lui reconnaîtra volontiers une plume alerte, il est difficile de ne pas identifier dans son ouvrage certains clichés, pour ne pas dire quelques facilités de narration. Le trio amoureux avec un homme bisexuel, le prostitué au grand cœur, l’Italie, l’amante bourgeoise très convenable ignorant tout de la nature de son partenaire, découvrant le secret par le biais de trois livres et d’un tee-shirt, l’accident fatal très trivial, (chute d’un parapet étroit après avoir bu et pris des somnifères), le puéril : « j’ai glissé » final n’étant pas très heureux, n’aident pas à rendre cette histoire plausible et poignante d’autant que la bande son contribue à nourrir un côté mélodramatique dont on se serait volontiers passé. Ces défauts, peut-être moins rédhibitoires à la lecture, sont accentués ici par la mise en scène, réduite à la portion congrue alors qu’elle aurait dû, au contraire, essayer de nourrir et d’étoffer ce récit pour ne pas donner au spectateur le sentiment d’assister à une simple lecture agrémentée d’un peu de mouvement. Plus facile à dire qu’à faire, nous en convenons bien volontiers, compte tenu du sujet peu évident à traiter sur une scène. Pourtant, ce parti pris de grande sobriété, qu’en temps normal nous aurions pu applaudir, s’avère plus pesant qu’autre chose. Enfin, côté acteurs, si l’on aurait souhaité un personnage principal plus convaincant dans son jeu, Estelle N’Tsendé et Yuming Hey ne déméritent pas, ce dernier, jouant sur son apparente fragilité, apporte une petite touche d’émotion à divers moments, notamment celui de sa complainte, particulièrement touchante.
Ce spectacle trop froid pour nous séduire, à conseiller surtout aux fans de l’œuvre de Philippe Besson, traduit bien le fossé profond qui, parfois, sépare théâtre et littérature.
© Christophe Raynaud de Lage
Un garçon d’Italie, d’après Philippe Besson
Mise en scène Mathieu Touzé
Avec Estelle N’Tsendé, Mathieu Touzé, Yuming Hey
Création lumière Renaud Lagier
Le texte, Un garçon d’Italie, de Philippe Besson est édité chez Julliard
Du 4 au 28 mai 2019
Lundi à 19h
Mardi à 21h15
Dimanche à 17h30
Durée 1h20
Théâtre de Belleville
94, rue du Faubourg du Temple – Passage Pivert
75011 Paris
Réservations T+01 48 06 72 34
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