© Tsukasa Aoki
ƒƒƒ article de Denis Sanglard
Familles je vous hais ! Sans être aussi radical Shû Matsui avec Un fils formidable, titre ironique en diable au vu de cette création singulière, fable contemporaine interrogeant la cellule familiale japonaise – qui pourrait être aussi bien la nôtre – et les névroses engendrées par ces relations toujours complexes voire illusoires. Pour Shû Matsui la famille est une fiction. Il l’affirme et ce fils formidable en est l’illustration éclatante et la démonstration imparable avec cette comédie d’un humour décapant et ravageur. Tadashi vit reclus dans son minuscule appartement. C’est un hikikomori, phénomène japonais qui voit des personnes refuser de sortir de chez eux et vivre ainsi enfermés. Tadashi décide de créer dans un coin de son appartement un état indépendant. Là, il règne en despote avec pour tout sujets quelques peluches. Une utopie soigneusement entretenue par sa mère qui paie le loyer et le conforte, l’entretient dans ses illusions, le retient sans ses rets. Jusqu’au jour où débarquent, demandant l’asile, un couple, sœur et frère au lien étrange, exclusif. L’intrusion de ces deux qui refusent la réalité du monde extérieur va faire imploser cet état riquiqui et les relations particulières entre chacun, sous les yeux d’une voisine qui n’a de cesse de faire étrangement sa lessive. Et bientôt embarquée malgré elle dans ce désastre annoncé… Shû Matsui a le don de croquer efficacement et sans caricature des personnages borderline, en rupture, aussi originaux, barrés, qu’inquiétants. Des êtres effrayés de solitude mais qui ne peuvent réussir à vivre ensemble. Sauf à entretenir coûte que coûte l’illusion qui les porte. L’utopie de Tadashi s’effondre devant le poids des liens familiaux et leur rupture, l’incapacité à comprendre la réalité d’un monde qui lui échappe et qui surgit par effraction dans cette société voulue idéale nichée dans son appartement. Mais au-delà de cette fable caustique qui dénonce l’enfermement névrotique familial dont l’inceste serait le symptôme ultime, ce sont les fondements de la vie en société, le collectif, et notre capacité à y répondre qui est subtilement posé. La notion même de nation elle aussi dénoncée comme une fiction bricolée. A l’heure des populismes galopants Un fils formidable dépasse ainsi le cadre même de la société japonaise qu’il interrogeait lors de sa création (2010…) Rien de pesant pourtant. C’est drôle, poétique, frisant l’absurde, souvent inattendu et quelques fois malicieusement cru. Une intelligente économie de moyens dans la mise en scène, une ligne claire imaginative et follement inventive, un petit côté bricolage joyeux, efficace et avec trois fois rien, où un immense drap suffit à dessiner un vaste territoire mouvant. C’est totalement loufoque et décalé comme sont décalés et loufoques les acteurs qui semblent jouer au si magique des gosses dans une chambre bâtissant un immense empire avec quelques objets incongrus et beaucoup d’imagination… Cette légèreté, cette théâtralité malicieusement dénoncée, loin de tout réalisme appuyé ne donne que plus d’acuité au propos.
Un fils formidable texte et mise en scène de Shû Matsui
Assistanat à la mise en scène Junko Go
Lumière Ayumi Kito
Son Norimasae Ushikawa
Musique Taku Unami
Costumes Hikaru Komatsu
Régie Plateau Koro Suzuki
Production Asami Hori
Décors Itaru Sugiyama
Productrice Sachiko Miyoshi
avec Kim Itoh, Keisuke Hidaka, Aoi Nozu, Miho Inatsugu, Ryohei Yokota, Hairi Katagiri
Du 5 au 8 octobre 2018
Vendredi et lundi à 20h, samedi à 18h, dimanche à 16h
T2G – Théâtre de Gennevilliers
41 avenue des Grésillons
93230 Gennevilliers
Réservations 01 41 32 26 26
Réservations Festival d’Automne
T +01 53 45 17 17
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