ƒƒ article de Camille Hazard
Une nuit.
Une jeune fille se rend à sa leçon de piano.
Une voiture sur la route qui l’écrase.
Le deuil.
Pour tenter d’avoir des réponses, le père de cette fille se fait engager comme « hypnotisé » dans un spectacle, orchestré par l’automobiliste qui a tué sa fille.
Le face à face des deux hommes au milieu du public.
Nous sommes ce public, leur public, témoins d’une parole qui se délie, acteurs d’un jeu d’hypnose, ballotés entre le vrai et le faux.
À travers Un Chêne, l’auteur Tim Crouch, imagine une performance philosophique dans un espace mental. Son écriture au cordeau, tissée comme une toile d’araignée, examine les notions de perte, de mort, de culpabilité, de renaissance… Et la mise en scène savamment sobre et réussie de Jean-Marc Lanteri, parvient à transcrire le paysage mental de manière charnelle, dans l’espace du théâtre. Le public perd peu à peu ses repères, immergé dans un monde d’illusions dans lequel la frontière entre vrai / faux a disparu.
Pour créer ce trouble, Tim Crouch raconte cette histoire de perte d’enfant à travers un spectacle d’hypnose. L’hypnotiseur qui joue avec son partenaire tout en lui soufflant les réponses… On peut souligner le jeu brillant de l’acteur Marc Bertin qui installe un climat glauque de plateau télé ringard et misérable tout en déployant mille et une finesses de jeu pour nous perdre sur le chemin de l’illusion. L’espace temps que nous connaissons s’efface et nous voilà plongés dans les méandres de l’inconscient mêlé à la fiction du théâtre.
Installé de manière bi frontale, le public suit les déplacements des comédiens-personnages conçus en va et vient, à l’instar des mouvements entre fiction et réalité.
Nous sortons de la salle, un peu hypnotisés nous-mêmes, un peu perdus, comme si nous avions vécu quelque chose de grave, comme si des forces contraires, des impressions paradoxales combattaient dans notre esprit. Un peu pantelant, nous regagnons la réalité du temps, des rues et de la nuit. Réalité chérie que nous considérons comme réalité si réelle, si vraie, à moins que…
Un chêne montre comme il est difficile de revivre après la perte d’un enfant, comme il est ardu pour ce père d’accoucher d’une parole, de s’en libérer pour renaître à la vie. Jouant également à perdre le public entre ce que nous pensons être vrai ou faux, le spectacle manipule sans concession.
Et nous, inlassablement passif, nous acceptons cette manipulation avec ce sentiment terrifiant de « déjà vu »…
Un Chêne
De Tim Crouch
Traduction & mise en scène Jean-Marc Lanteri
Avec Marc Bertin et un acteur ou une actrice différente à chaque représentation.Du 11 au 5 novembre 2016
Du mardi au samedi à 20h30Maison d’Europe et d’Orient
3 passage Hennel – 75012 Paris
M° Gare de Lyon
Réservation 01 40 24 20 55
www.sildav.orgUn Chêne, suivi de l’Auteur, est édité aux éditions Les Solitaires Intempestifs www.solitairesintempestifs.com
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