ƒ article de Denis Sanglard
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Après une brillante rétrospective de son œuvre protéiforme au Macval de Créteil, Jean-Luc Verna, dessinateur, performer, chanteur proposait à la Ménagerie de Verre pour le festival Etrange Cargo Uccello, Uccellaci & the Birds, proposition chorégraphique singulière, suite de tableaux vivants, retraçant en des poses académiques l’histoire de l’art et du rock , une histoire d’attitudes et de correspondances inconscientes ou non, avec en filagramme une histoire d’amour, traversée elle aussi de souvenirs de concerts rock et de musées, relayée par la voix de Béatrice Dalle sur un texte de Jean-Luc Verna. Les corps nus de Benjamin Bertrand et Loren Palmer sans autres apprêts qu’une perruque à la Siouxie pour la danseuse, comme une citation ou une référence explicite à l’une de ses muses avec Nina Hagen, rien pourtant de subversif. La subversion chez Jean-Luc Verna s’inscrit sur la peau de son corps tatoué et maquillé, histoire de sa vie, de ses vies. Le travail plastique de Jean-Luc Verna, lui, reste académique. Académique aussi comme sa métonymie, étude de nu d’après modèle vivant. Référence à la statuaire antique, à la peinture de la renaissance, vierges et dieux, héros mythologiques ou bibliques sont descendus de leur piédestal, de leur cadre et incarnés, sculptures vivantes, sous la lumière crue des néons, sur le béton du plateau de la Ménagerie de Verre. Dépouillés en quelque sorte de leurs décors, mis à nu. Les poses s’enchaînent donc, les références s’accumulent. Un dialogue s’amorce. Mais les correspondances entre attitude rock et histoire de l’art sont fragiles, ténues comme tout fruit du hasard. Jean-Luc Verna fait une apparition furtive et sage, presque timide. Son corps marqué, prenant lui aussi des poses, amène enfin une étrangeté, un paradoxe bien venu au regard de celui des deux danseurs absolument superbes. Etrange contraste se dit-on pour un acteur de la culture underground que de réaliser un travail aussi peu dérangeant voire terriblement classique. Peut- être que la subversion réside-t-elle là ? L’irruption d’un groupe accessoirisé sado-maso et fétichiste, danseurs professionnels ou amateurs, on y reconnaît François Sagat, star du porno gay sous une perruque blonde, casse la pesanteur qui menaçait cette création. Mais cette sarabande un peu folle, ce sabbat qui reprend en échos malingre et foutraque l’ensemble cette création avant de la conclure n’apporte au final pas grand-chose. La maîtrise et la tension qui prévalaient jusque-là s’effondrent avec ce final peu maîtrisé, trop hâtif, qui aurait pu être subversif et provoquer la curiosité, avec ces corps non conformes aux canons classiques, tatoués, percés, maquillés déboulant sur le plateau et prenant la pose à leur tour, détournant de façon ludique les codes académiques. Peut-être aurait-il fallu se concentrer davantage sur eux pour que la corrélation entre l’univers du rock et un certain académisme prenne pleinement tout son sens. Une création attachante, fragile mais qui ne tient pas toutes ses promesses.
Uccello, Uccellacci & the Birds
Conception de Jean-Luc Verna
Avec Benjamin Bertrand, Loren Palmer, Jean-Luc Verna
Ecriture Jean-Luc Verna
Interprète voix Béatrice Dalle
Musique Peter Rehberg
Son Gauthier Tassart
Costumes Jean-Luc Verna
Création Lumière Catherine Noden
17/18 mars 2016 à 20h30
Festival Etrange CargoLa Ménagerie de Verre
12/14 rue Léchevin – 75011 Paris
M° Parmentier (ligne 3), Saint Ambroise (Ligne 9)
Réservations 01 43 38 33 44
info@menagerie-de-verre.org
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