© Philip Ducap
ƒ Article de Nicolas Brizault
Tu te souviendras de moi. L’inverse l’emportera sans doute, et c’est dommage. Perdre sa mémoire, un peu, beaucoup, puis elle revient mais l’on ne s’en rappelle pas. Qui est qui ? Solitude en plein milieu des autres, les vôtres. Petit à petit ou d’un seul coup. Île déserte et inabordable. Sentiments qui s’effacent et chats sans noms, pâtes impossibles à faire cuire, c’est quoi une casserole, et le gaz ? Et on essaie de vous faire comprendre ce qui s’efface. Reviendra, reviendra pas ? Vous en plein milieu, ne sachant plus trop ni pourquoi, comment. Ça arrive. Perdre sa mémoire.
L’idée est très bonne de vouloir travailler sur ce thème, tenter de le présenter, pourquoi pas de le faire comprendre. Mais là, dix minutes, disons un quart d’heure aurait suffit. Edouard, joué par Patrick Chesnais, perd sa mémoire immédiate, garde l’ancienne, celle qui semble nous construire. Le prénom de celui qui lui parle, là, en face, se change en point d’interrogation. Ce qu’il vient de faire, de dire à sa femme, là où elle est… toujours rien Et puis si, cela revient, comme marchant sur un fil. Et il veut se défendre, montrer que c’est faux, que sa famille n’a aucune raison de ne plus rien supporter, de se mettre en colère contre lui en permanence. Car c’est ce qui se passe, sa femme et sa fille Isabelle sont hystériques, en colère sans arrêt. Sa fille (au propre comme au figuré) y ajoute quelques pâles douleurs ici ou là (son ivresse, rentrant d’un dîner avec son père, est une douleur véritable mais pour les spectateurs, et ressemble à un mauvais « je fais comme si. » Terrible…) alors que la mère, elle, prend un bon amant !
Le texte répétitif, oui, les réactions et situations se répètent, mais peut-être comme cette perte de mémoire et sa torture circulaire. Qui sait ? Cela se sentirait davantage et si c’est ce qui est voulu, c’est raté. Le manque d’intérêt montre son museau. Quelques sourires et regards vers la montre. Dommage tout de même. Mieux que le texte, des images : dans les espaces sans jeu, entre les modifications de décors ou arrivant comme ça, sans prévenir, comme la mémoire fout le camp, de grandes images prennent tout l’espace, apparaissent, dansent et restent hypothétiques, qui, quoi, quand ? Ces souvenirs flous sont une bonne idée pour tenter de représenter la maladie de cette homme, hier fier de lui et aujourd’hui, glissant, rebondissant vers le vide.
Ce vieux paumé sauve la mise et deux personnages auraient suffit, donnant un peu de beauté à ce spectacle. Le malade et Bérénice, cette petite jeune fille qui comprend tout, l’air de rien, et trouve un moyen tout bête de le soutenir. De l’amour simple, amitié 100 %, l’écouter, jouer. Dommage.
Tu te souviendras de moi, de François Archambault
Mise en scène Daniel Benoin
Assistante mise en scène Alice-Anne Filippi Monroché
Adaptation Philippe Caroit
Avec Patrick Chesnais, Fanny Valette, Nathalie Roussel, Frédéric de Goldfiem, Emilie Chesnais
Scénographie Jean-Pierre Laporte
Costumes Nathalie Bérard-Benoin
Vidéos Paulo Correia
Lumières Daniel Benoin
Du 5 septembre 2018 au 07 octobre 2018
Du mardi au samedi à 21h, le samedi à 17h, le dimanche à 15h
Théâtre de Paris, Salle Réjane
15 rue Blanche
75009 Paris
www.theatredeparis.com
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