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Tu dis que tu aimes les fleurs, au Théâtre de la Bastille

Juil 08, 2016 | Commentaires fermés sur Tu dis que tu aimes les fleurs, au Théâtre de la Bastille

ƒ Article de Victoria Fourel

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Déambuler dans le bel espace du Théâtre de la Bastille pendant 30 minutes et être face à des installations diverses portées par des corps de femmes. C’est la proposition de Tu dis que tu aimes les fleurs. Ces jeunes comédiennes sont des images, des reflets des féminités d’aujourd’hui, et des rôles qu’on leur donne : sculpture observée source de désir, mannequin au service du produit qu’elle vend, ou prisonnière de son corps et de ses devoirs de femme.

La principale qualité de ce travail réside dans la construction de l’installation : on déambule, on est pris par les différentes ambiances de la salle, mais les rythmes et les zones dignes d’intérêt évoluent. Ainsi, il y a des phases dignes d’exposition d’art contemporain, où l’on est libre d’évoluer à son aise, et d’autres où la performance se fait spectacle, tableau unique, où tous les fragments se rejoignent en un seul. Il y a beaucoup d’exigence visuelle, comme cet aquarium transparent construit pour que l’on observe la comédienne nettoyer ses sous-vêtements tâchés de sang, mais aussi pour que l’on puisse y poser les dits sous-vêtements, comme à sécher (ou à observer). La mise en lumière des espaces de jeu est aussi intelligente, matérialisant les zones, mais aussi les temps : temps de l’entrée du groupe, temps d’observation, temps de représentation. En résulte un ensemble clair et équilibré, où l’on n’est ni pris à parti ni laissé pour compte.

Cet objet théâtral a de très ‘classique’, si l’on peut dire, le côté abstrait, visuel, et tape à l’œil. Mais c’est aussi une qualité au sens où sont questionnés tous les codes du théâtre actuel : la nudité, le réalisme, la performance physique, la beauté du corps et de la scène. De façon plus pragmatique, on oscille pourtant entre la surprise et son contraire. Si le rythme, la participation d’un chœur de jeunes femmes ou la montée en puissance de l’intensité surprennent, on ne peut pas dire pourtant que tout prenne sens. Cherche-t-on l’inconfort, le percutant dans un but autre que la « performance » ? C’est la question que pose cette création. Car elle déborde d’envie, et d’images, mais elle manque aussi de simplicité, et si elle vise à montrer ce qu’est le théâtre contemporain, elle en montre, en un sens en tout cas, les travers. Le sérieux un peu obscur, et les présences peu homogènes des groupes, le manque de liant.

Tout dans le festival Acte et Fac reflète un désir de création, de parole haute et forte, de défi dans la jeune création. Et cette performance en est un exemple parlant : sans réinventer la forme, réinterpréter les codes, prouver que l’on peut le faire, que l’on doit le faire. En tant que femme ou que fille, en tant que comédienne, en tant que jeune. Jouer avec son corps, avec la lumière, avec son public, le choquer ou en tout cas l’interpeler. Cette tentative crée sur le plateau la preuve que le jeune théâtre sait se prendre au sérieux, et c’est tant mieux.

Tu dis que tu aimes les fleurs
Conception et réalisation Pavillon Hard
Avec Elsa Madeleine, Kimiko Kitamura, Clémentine Lorieux, Emma Bernard. Et leurs invitées Laura, Oriane, Livia, Emma, Laure, Alison, Line, Camille, Lucie, Clélia, Circé, Maxime.
Le mercredi 6 juillet 2016 à 20h30

Théâtre de la Bastille
76 rue de la Roquette – 75011 PARIS
Métro Bastille
Réservation 01 43 57 42 14
www.theatre-bastille.com

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