© Pascal Victor – Artcomart
fff article de Jean Hostache
Benjamin Lazar, Florent Hubert et Judith Chemla signent une version bouleversante de la Traviata. Une Traviata irrévérencieuse qui vient balayer les codes opératiques poussiéreux, et fait entendre un chant plus vivant que jamais au sein des murs décrépits des Bouffes du Nord. S’ajoute à la fresque fuligineuse, sombre, et vénéneuse de l’histoire beaucoup de vie et d’humour dans cette adaptation. Un va et vient entre le banal et le grandiose, redonnant à la grandeur de cette tragédie mille nuances savoureuses et couleurs contrastées. Une sorte de clair-obscur qui ne cesse de jouer avec nos émotions, nous tire par surprise aussi bien des rires francs que de chaudes larmes. Ce qu’il y a de prodigieux ici c’est de constater comment le théâtre envahi et contamine la musique réciproquement. Un dialogue, un écho, des tensions se tissent et s’entremêlent dans la manière poétique de dire les choses. La musique est syncopée par le murmure d’un mot d’amour ou par un sanglot, le texte s’arrête net quand il est question de chanter sa passion ou son désespoir. Cette adresse dans le mélange des genres ramène à la forme de l’opéra bien plus de concret et un aspect très jouant et vivant par la théâtralité qu’il s’en dégage, tandis que les sursauts lyriques au sein du texte actionnent la métaphore et nous laisse planer sur un ciel ouvert à la poésie. Jongler ainsi entre le théâtre et la musique, l’italien et le français, ramène le vivant au plateau et permet une accessibilité qui fait du bien à voir dans le cadre de l’opéra.
Pour les mélomanes qui attendraient au tournant les grands arias de la Traviata : vous n’êtes pas au bout de vos surprises. L’arrangement musical intimiste mais puissant que font Florent Hubert et Paul Escobar du chef d’œuvre de Verdi est tout à fait ingénieux et sensible. Ils nous font redécouvrir cette célèbre musique sous un nouvel angle et donnent un mouvement inédit et singulier à cette pièce. Quant aux chanteurs, au-delà de leur technique et de leur maîtrise vocale, il est bon de les voir aussi bien en tant qu’acteurs, et de s’amuser à vivre et interpréter la musique généreusement. On parlera notamment de la performance éblouissante de Judith Chemla, interprétant le rôle-titre de Violetta, dont la présence rare et unique s’avère jouissive pour le spectateur.
Au sortir de la représentation, c’est comme avoir cette sensation étrange de ne pas avoir vu le temps passer, et pourtant de conserver l’impression qu’une vie venait de s’écouler sous nos yeux.
Traviata vous méritez un avenir meilleur
D’après La Traviata de Giuseppe Verdi
Conception Benjamin Lazar, Florent Hubert et Judith Chemla
Mise en scène Benjamin Lazar
Arrangements et direction musicale Florent Hubert et Paul Escobar
Avec Florent Baffi, Damien Bigourdan (du 6 au 15 septembre) en alternance avec Safir Behloul (du 18 au 30 septembre), Jérôme Billy, Renaud Charles, Elise Chauvin, Judith Chemla, Axelle Ciofolo de Peretti, Myrtille Hetzel, Bruno Le Bris, Gabriel Levasseur, Sébastien Llado, Benjamin Locher et Marie Salvat.
Du 6 au 30 septembre à 20h30
Théâtre des Bouffes du Nord,
37bis, bd de La Chapelle, 75010 Paris
Métros La Chapelle (ligne 2), Gare du Nord (lignes 4, 5, RER B, RER D)
Réservations au +01 46 07 34 50
http://www.bouffesdunord.com
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