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The notebook, d’après Agota Kristof, spectacle conçu par Forced Entertainment, Théâtre de la Bastille / Festival d’Automne à Paris

Nov 10, 2021 | Commentaires fermés sur The notebook, d’après Agota Kristof, spectacle conçu par Forced Entertainment, Théâtre de la Bastille / Festival d’Automne à Paris

 

© Hugo Glendinning

 

ƒƒƒ article de Denis Sanglard

The notebook, d’après le roman Le grand cahier d’Agota Kristof ou le récit d’apprentissage et d’initiation de frères jumeaux dans l’enfer de la Grande Guerre, quelque part en Europe Centrale. Livrés à eux-mêmes, surmontant la faim, le froid, la haine de leur grand-mère, sale et illettrée, qui les recueille malgré elle, ils notent à la première personne du pluriel, au jour le jour le chaos qui les entoure, l’effondrement et la fin d’un monde que signent le vice, la cruauté et l’opportunisme. Récit implacable et sans nulle émotion, froideur d’une écriture blanche, dans cette volonté de décrire les faits dans leur réalité et brutalité absolues, sans jugement jamais. Enfants immoralistes et monstrueux, pas d’autre morale que la leur forgée par les événements traversés, ils sont le symptôme de la déréliction d’un pays ravagé bientôt livré à la dictature.

Tim Etchells, de Forced Entertainment, avec intelligence se refuse, on peut dire ça, à adapter ce texte. Il est donné dans sa forme première, lu par deux artistes exceptionnels, Richard Lowdon et Robin Arthur. Lu texte en main – The notebook – et subtilement mis en scène. Un minimalisme et une grande minutie, qui laissent ainsi toute la place à cette écriture singulière dans sa forme et sans faire obstacle non plus au contenu du récit. Habillés à l’identique, même costume avachi et même pull bordeaux, chaussés des mêmes lunettes, Richard Lowdon et Robin Arthur s’expriment d’une même voix, d’un même souffle. Sans passion et comme détachés d’eux-mêmes et des événements relatés. C’est un « nous » gémellaire quelque peu effrayant. Ils ne se ressemblent pas, non, mais bientôt, au fil du récit, l’illusion est là, l’illusion est telle qu’on ne les distingue plus l’un de l’autre. Ils ne font plus qu’un. Et sur ce plateau nu, ce qu’ils expriment là sans affect apparent, sans émotion aucune, d’une voix aussi blanche que l’écriture, dans une synchronisation parfaite, et malgré un humour noir propre au texte qu’ils semblent ignorer, est indicible. Il sourd bientôt un étrange malaise qui s’épand lentement comme un mascaret que rien ne peut arrêter. Et toute la force intrinsèque de ce roman, dans son propos sans appel, vous submerge et vous noie bientôt. Le récit prend ainsi une formidable densité, la parole une remarquable intensité. Une création d’une force inouïe dont on ne sort pas tout à fait indemne, ébranlé même, au regard de notre actualité…

 


© Tim Etchells 

 

The notebook d’après Agota Kristof

Spectacle imaginé et conçu par Forced Entertainment d’après Le Grand Cahier d’Agota Kristof

Traduction Alan Sheridan

Mise en scène Tim Etchells

Avec Robin Arthur, Richard Lowdon

Scénographie Richard Lowdon

Lumières Jim Harrisson

 

Du 8 au 19 novembre 2021 à 20 h

Relâche dimanche et jeudi 11 novembre

 

Théâtre de la Bastille

76 rue de la Roquette

75011 Paris

Réservations 01 43 57 42 14

www.theatre-bastille.com

 

 

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