ƒƒƒ article de Jean Hostache

© DR

Un métissage entre la danse et la vidéo tout à fait réussit, qui place la femme à l’honneur.

Keren Levi nous offre une proposition bien singulière et de toute beauté. Huit danseuses, huit femmes, huit nudités construisent le corps de ce spectacle. Elles dansent derrière un rideau de tulle, sont filmées d’en haut en totale plongée, et l’image nous est projetée sur le tissu. Le regard se divise, et propose une double contemplation : celle des corps dansant derrière le rideau, et celle de l’image projetée. La vidéo pourtant n’absorbe en aucun cas le regard, et nos yeux se plaisent à papillonner de la vidéo (comme image et représentation des corps raffinée) à la danse (comme processus de composition et matière brut).

Le geste en lui-même de mettre en scène huit femmes nues est fort. Et ce spectacle au féminin, qui explore intelligemment la question, ne se contente pas d’un aspect ou d’un autre de ce que représente aujourd’hui le corps de la femme, mais apporte une palette de couleurs bien plus large, et pose des interrogations, par le biais du poétique, tout à fait sensibles.

Dans la première partie du spectacle, les plans aériens et les images que l’on nous propose ne cessent de se construire et de se déconstruire géométriquement, dans une mouvance kaléidoscopique et absolument hypnotique. Un moment de poésie très sensible, organique, cosmique, où nous avons l’impression de zoomer dans « l’infiniment petit ». On pourra y voir l’éclosion d’une fleur, le mouvement liquide d’anémones de mer, ou encore la naissance d’une cellule. L’écran de tissu nous apparaît alors comme la coupe observée en classe de science depuis un microscope. Ce qui est ici intéressant, c’est de plonger et d’apprécier en image l’échographie du vivant qui se joue devant nous, elle-même créée et représentée par du vivant. En ressort une dimension profondément originelle et maternelle.

La deuxième partie du spectacle révèle une vision beaucoup plus crue et charnelle du corps de la femme. L’image qui aujourd’hui la fait souffrir davantage. Sans parler de pornographie, on a le sentiment d’une nudité plus exposée, plus exhibée. La caméra zoom, et des effets stroboscopiques nous refoulent le sentiment d’hyper rapidité de l’image qui siège vaillamment dans notre monde. Si dans la première partie du spectacle, aux rondes printanières, nous avions plutôt l’impression d’assister à la génèse de quelque chose, ici nous envisageons d’avantage l’apocalypse. Une descente aux enfers violente et chaotique.

Ainsi nous comprenons par-là cette longue traversée, complète et complexe, qui vient de filer sous nos yeux. Le travail visuel de la vidéo est extrêmement bien pensé, comme celui de la chorégraphie. Si le spectacle nous a tout au long de la représentation exposé sous toutes ces facettes le corps de ces femmes, il se termine dans la simplicité la plus belle : chacune des danseuses revient habillée face aux spectateurs, et prend le temps de nous regarder directement en balayant la salle avec une sincérité bouleversante. Une simplicité qui en somme fait du bien, et qui porte beaucoup d’espoir en son sein.

The Dry Piece­ | XL Edition
Conception et chorégraphie : Keren Levi
Musique : Tom Parkinson
Création Lumière : Minna Tiikkainen
Vidéo : Assi Weitz
Avec : Mari Matre Larsen, Karin Frankel, Maya Tamir, Eva Susova, Hillary Blake Firestone, Maddy Bullard, Alice Pons, Alicia Verdú Macián

Du 12 au 13 mai à 19h30
Rencontres Chorégraphiques Internationales de Seine-Saint-Denis

Nouveau Théâtre de Montreuil (Salle Maria Casarès)
63 Rue Victor Hugo, 93100 Montreuil.
MÉTRO ligne 9, station Mairie de Montreuil
BUS 102, 115, 121, 122, 129, 322 arrêt Mairie de Montreuil
Réservation au 01 55 82 08 01
http://www.rencontreschoregraphiques.com

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