ƒƒƒ article de Florent Mirandole

 © DR

Le danseur est penché devant nous, ses yeux à notre hauteur nous scrute avec intensité. Un entremêlement de bras et de jambes derrière lui le retient de tomber, le laissant en équilibre au dessus du public. Reparti autour d’une scène surélevée, le public observe les gesticulations de 5 danseurs en ouverture d’Attendance, le premier volet d’une trilogie créée par la chorégraphe américaine Faye Driscoll. La chorégraphe pousse ici un peu plus loin encore le travail sur la complexité des liens qui lient les danseurs entre eux et avec le public. Accrochés les uns aux autres, ils agissent comme un seul être vivant. Les gestes des uns se répercutent sur l’équilibre des autres. La complexité de ces liens vient de leur ambivalence. S’ils empêchent les danseurs de s’effondrer sur le public, ils se révèlent également être une contrainte. Les corps restent enfermés, contraints, attachés aux autres, et les quelques élans pour desserrer cet étau se soldent par une débauche d’énergie vaine. Le public observe ces corps ligotés, partagé entre fascination et gêne. L’intimité des corps et des regards est trop forte parfois, et l’on détourne les yeux devant ces corps empêchés.

Cette première phase d’Attendance se révèle brillante. Faye Driscoll réussi à créer un lien particulièrement fort avec le public. Cette première scène relativement classique n’est toutefois qu’une phase de préparation. La chorégraphe finit par éventrer la scène surélevée au bout d’une vingtaine de minutes. La pièce change alors complètement de forme. Après une petite réorganisation de l’espace, les danseurs au centre de la scène miment une série de rencontres. Les corps et les voix sont hachés, découpés, comme passés au strombinoscope. Une musique insistante s’est installée, plongeant les quelques notes d’humour de ces scènes dans une inquiétude lancinante. Une profusion de son et d’images, furtives, énigmatiques, malsaines s’abattent sur scène. Les interruptions de rythme, les cassures, les rires mécaniques, finissent par emporter le public, déguisé, désorienté, dans le monde de Faye Driscoll. Dans ce chaos visuel et musical se tissent alors des liens physiques, une complicité inattendue avec son voisin. Alors que la scène finit de se désintégrer sous les assauts des danseurs, le public reste là, maladroit, fasciné, à errer debout au milieu des décombres d’une scène dont il est devenu alors un des acteurs principaux.

La performance de Faye Driscoll est une incroyable réussite. Sans jamais forcer le public, elle l’amène progressivement à partager une expérience visuelle et sensorielle hors du commun. La clef réside manifestement dans la liberté donnée au spectateur de participer à cette expérience, et de mesurer son degré d’implication. On peut rester froid devant cette débauche de sensation. On peut aussi se laisser submerger par le spectacle offert. Au vue de l’enthousiasme à la fin de la pièce, le public a plongé la tête la première. On se réjouit par avance des deux prochains épisodes.

Thank you for Coming : Attendance
Conception Faye Driscoll
Chorégaphie Faye Driscoll en collaboration avec les performeurs
Performance originale Nikki Zialcita
Design visuel Nick Vaughan et Jake Margolin
Son, composition originale Michael Kiley
Lumières, chargée de production Amanda K. Ringger
Conseiller artistique Jesse Zaritt
Assistante chorégraphique Nadia Tykulsker
Direction generale Michelle Fletcher
Réalisation, adaptation costumes Sarah Thea Swafford

Avec Giulia Carotenuto, Sean Donovan, Alicia Ohs, Brandon Washington & Toni Melaas

Du 3 au 8 décembre 2015

Théâtre de Gennevilliers 
41, avenue des Grésillons – 92230 Gennevilliers
Réservations 01 41 32 26 26
www.theatre2genevilliers.com

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