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Tenir le temps, Rachid Ouramdane, Théâtre de la ville

Fév 24, 2016 | Commentaires fermés sur Tenir le temps, Rachid Ouramdane, Théâtre de la ville

ƒƒƒ article de Denis Sanglard

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© Patrick Imbert

Ca commence par un solo. Seul sur le plateau, immobile, un danseur s’ébroue. Les gestes s’affirment, s’amplifient, se démultiplient. La tension est à son maximum quand soudain débarque le groupe. 16 danseurs, une machine infernale, explosive, ébouriffante. Les mouvements sont repris, démultipliés, transmis. Un effet domino. A peine le mouvement est-il épuisé qu’un autre déjà est amorcé. Ce sont d’amples vagues successives, une houle qui traverse l’ensemble dans une énergie qui va crescendo… Une réaction en chaine qui électrise le plateau. C’est tonique, ça va vite, très vite et fort. Les combinaisons, de plus en plus complexes, donnent le tournis. C’est un tourbillon en apparence foutraque mais d’une maîtrise absolue. Composition de motifs foisonnants qui se compliquent, l’espace est traversé de lignes déclinées de tous ses possibles. Solos, duos, trios jamais ne cassent la dynamique de l’ensemble. Une seule respiration fait battre ce chœur à l’unisson. Un lien tenu et ténu, une même énergie, semble définir et souder ce groupe. Ensemble dans leurs différences. Car ce qui frappe c’est aussi cette diversité. Chacun s’empare du mouvement, de son impulsion, à sa façon, chaque corps est singulier, chacun se distingue et pourtant ils sont un seul et même ensemble. La transmission du mouvement, des élans, est un lien puissant qui ne rencontre aucun obstacle. Les différences ne sont pas aplanies, elles s’enrichissent de ces nouvelles variations. Ainsi les combinaisons s’accumulent et s’amplifient. Elles modifient la perception et la danse de celui qui reçoit et qui, à son tour, lesté d’une nouvelle perception, transmet cet ébranlement. La chorégraphie se nourrit de ses strates, de ces empilements pour bâtir paradoxalement son unité et sa cohésion. Surtout cette formidable machine qui aurait put être une mécanique parfaite, ce qu’elle est, acquiert un poids humain, un tremblé, une fragilité s’insinuant dans chaque mouvement ressassé, émeut et trouble fortement. Evidemment Rachid Ouramdane nous offre là un moment de partage formidable. Car ce à quoi il tient, et qu’il transmet, c’est bien dans ce vivre ensemble, cet enrichissement de nos différences, que notre société déliquescente et tristement frileuse aujourd’hui remet en question.  Tenir le temps estune création politique dans sa plus belle acceptation. Certes. Frondeuse, généreuse et ludique en plus.

Tenir le temps conception et chorégraphie de Rachid Ouramdane
Musique, Jean-Baptiste Julien
Lumières, Stéphane Graillot
Costumes, La Bourette
décors et régie générale, Sylvain Giraudeau
Assistante chorégraphique, Agalie Vandamme
Régie Son, Laurent Lechenault
avec Fernando Carrion, Jacquelyn Elder, Annie Hanauer, Alexis Jestin, Lora Juodkaite, Arina Lannoo, Sébastien Ledig, Lucille Mansas, Yu Otagaki, Mayalen Otondo, Saïf Remmide, Alexandra Rogovska, Ruben Sanchez, Sandra Savin, Leandro Villavicencio, Aure Wachter

du 15 au 17 février 2016 à 20h30

Théâtre de la Ville
2, place du Châtelet
75004 Paris
réservations 01 42 74 22 77
theatredelaville-paris.com

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