ƒƒ article de Dominika Waszkiewicz

© V. Arbelet

Le charme discret de la bourgeoisie

Comme le rappelle Benoît Lambert en citant maître Jouvet, Tartuffe est avant tout l’intrusion d’un jeune homme charmant et ambivalent au sein d’une famille en crise. Loin de la trop systématique critique de l’hypocrisie dévote, la pièce de Molière déploie ici la diaprure de ses ressorts comiques. Et oui, on rit beaucoup à ce Tartuffe-là qui brosse sans concession les inavouables ridicules d’un patriarche solidement campé par Marc Berman. On rit et on s’étonne de la vibrante actualité d’un texte pourtant versifié : actualité des rapports familiaux mais aussi actualité des conflits sociaux et des luttes des genres.

Sur un plateau dont l’élégante scénographie joue, entre le noir et le blanc, à faire sauter le vernis des apparences par le ballet de panneaux mobiles transparents, l’énigmatique Tartuffe (interprété par le ténébreux Emmanuel Vérité) semble le catalyseur d’un irrésistible naufrage. Catastrophe d’un jour où tout se craquèle sous le regard lucide de Dorine (magnifiquement incarnée par Martine Schambacher). En une subtile accélération et jusqu’au deus ex machina final, on s’attend au pire. Mais, finalement, par une surprenante pirouette dont nous garderons le secret, tout rentre dans l’ordre et les projets crapuleux du jeune opportuniste s’effondrent. Reste seulement un arrière-gout un brin amer. Car, c’est bien Orgon et non Tartuffe qui a entrainé sa famille dans le chaos. Mais, lui, comme tous les autres de sa caste, reste intouchable, indélogeable privilégié…

La finesse d’un jeu duquel le corps n’est pas absent, la présence d’un palpable esprit de troupe (bien que les comédiens ne se côtoient que depuis la création en automne 2014) ainsi que le soin apporté à chaque rôle, même muet, font de cette mise en scène un moment rare et savoureux. Loin des penchants tragiques de la fin du siècle dernier, Benoît Lambert renoue respectueusement avec l’aspect rédempteur du rire. Dommage qu’il n’ait pas creusé davantage l’attrait sensuel d’Orgon pour Tartuffe…

Tartuffe ou l’Imposteur
De Molière
Mise en scène Benoît Lambert
avec Marc Berman, Stephan Castang, Anne Cuisenier, Yoann Gasiorowski, Florent Gauthier, Étienne Grebot, Raphaël Patout, Aurélie Reinhorn, Camille Roy, Martine Schambacher, Paul Schirck, Emmanuel Vérité
scénographie et lumières Antoine Franchet
son Jean-Marc Bezou
costumes Violaine L. Chartier
assistanat à la mise en scène Raphaël Patout
maquillages et coiffures Marion Bidaut
réalisation costumes Amélie Loisy
stagiaire costumes Charline Girard
régie générale Félix Jobard
régie lumières Victor Dos Santos
construction et régie plateau Florent Gauthier
régie plateau François Douriaux
Du 10 Mars au 29 Mars 2015 (Durée 2 heures)
Mardi et mercredi 19h30, jeudi et vendredi 20h30, samedi 18h, dimanche 16h

La Commune 
Centre Dramatique National d’Aubervilliers
2 rue Édouard Poisson
93300 Aubervilliers
Réservation 01 48 33 16 16
lacommune-aubervilliers.fr

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