Critique d’André Antébi –

Une fois n’est pas coutume, parlons du lieu pour commencer.

L’Atelier du Plateau fête en 2010 ses dix années d’existence. « Une décennie de liberté et d’invention » nous dit son directeur, Matthieu Malgrange. En effet, le Plateau est un lieu de création, de rencontre, de débat, un lieu que le public peut très aisément s’approprier. C’est que l’atmosphère qui s’y dégage est celle d’une invitation à l’échange, à la curiosité et tout simplement à l’art d’être ensemble. L’architecture se prête particulièrement à cet état d’esprit. Nous sommes dans un espace type loft, mezzanine pour la régie, poutres et bois pour le charme. Une cuisine ouverte et un bar donnent sur un espace de jeu qu’on aurait du mal à définir puisqu’ici tout est matière et lieu à jouer. Ce soir, des chaises pour le public sont installées, mais vide, la salle présente une multitude de possibilités.

Dédié à la création pluridisciplinaire, l’Atelier accueille aussi bien théâtre, danse, performance, concerts et la liste n’est pas exhaustive car ici on « ne s’interdit rien ».

Alors ils se sont permis SW  joue Tu es ma mère.

La dernière création du Thalia Théâtre, mise en scène par Richard Leteurtre, est un spectacle composé de plusieurs formes artistiques. Un court-métrage de Serge Wolf sur le thème du secret de famille, Tant que tombera la neige,  un récit autobiographique de Serge Wolf et enfin, la pièce de Joop Admiraal, Tu es ma mère.

Alors, par où commencer ? C’est une pièce de théâtre. Oui, mais pas que ça ! Un documentaire. Oui un peu mais pas que ça non plus ! Un film. Oui aussi, un film, mais pas seulement ! Un conte autobiographique. Absolument oui un conte autobiographique mais autre chose aussi.

En réalité, SW joue Tu es ma mère, c’est tout ça à la fois ! Et surtout une formidable performance sur le thème de la mémoire et de la quête d’identité.

Serge Wolf  nous raconte l’histoire de Serge Wolfsperger, né en Alsace en 1960, parti à la recherche d’un père qu’il n’a jamais connu. Puis entre en scène la pièce de Joop Admiraal, ce dialogue entre un fils et sa mère atteinte de la maladie d’Alzheimer, les deux personnages étant joués par le même acteur. Seul en scène, Serge Wolf brouille les pistes, comme elles l’ont été tout au long de sa quête personnelle, et l’on ne sait plus vraiment qui parle, là devant nous.

Serge Wolf, le comédien qui nous raconte son histoire ? Joop Admiraal, dont il joue la pièce sur un tulle opportunément tombé pour devenir un petit plateau de théâtre ? La mère de Joop Admiraal ou la sienne peut-être, dont l’ombre projetée sur un autre tulle nous rappelle celle de Norman Bates dans Psychose.

Dans ce va-et-vient entre son histoire, celle d’un auteur et celle de sa mère, Serge Wolf creuse un sillon à la recherche d’une vérité enfouie sous le poids des secrets de famille. Il mène une enquête qui le conduit dans son alsace natale, vers ses origines et l’identité de son père.

Malgré l’interaction de toutes ces formes, le dispositif est très simple et nous ramène à certains fondamentaux. Un homme présent sur un plateau, trouve dans l’œuvre d’un autre les mots pour nous raconter son histoire.

Dans ce lieu où la proximité abolit naturellement la frontière qui nous sépare des artistes, la mise en scène de Richard Leteurtre et la mise à nu de Serge Wolf ont trouvé leur place et donnent à vivre une très belle expérience.

S.W joue « Tu es ma mère »
De et par : la Compagnie Thalia Théâtre
Mise en scène : Richard Leteurtre
Avec : Serge Wolf
Dramaturgie et traduction : Mike Sens
Scénographie : Jean-Pierre Schneider
Lumières : Olivier Nacfer
Costumes : Madeleine Barbe

Du 16 au 27 mars 2010

L’Atelier du Plateau
5 rue du Plateau, 75 019 Paris
www.atelierduplateau.org

www.thaliatheatre.fr

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