ƒ article de Florent Mirandole

© Pauline Le Goff

C’est une drôle de mise à nue à laquelle nous convie le jeune metteur en scène Côme de Bellescize. Pas de divan, pas de lumière tamisée, pas de repas de famille qui dégénère. La mise à nue à laquelle nous sommes convié a lieu dans un bureau. Un bureau anonyme grisâtre, éclairée de quelques néons, que l’on imagine au milieu d’une tour glaciale d’un quartier d’affaires. Une jeune femme est venue passer un entretien d’embauche pour le poste de directrice de la communication d’un grand producteur de javel. Elle est reçue par la directrice.

La jeune femme naïve, fraichement diplômée de son école de communication, adepte du powerpoint et du phoning, est progressivement happée par la directrice en poste. De questions insidieuses à des ordres de plus en plus sommaires, la directrice va littéralement déshabiller dans sa chair et dans son âme la jeune oie formatée. Elle perd alors plume après plume devant la directrice grimée comme un méchant maléfique d’un conte pour enfant. Rentrée dans une veste noire fermée jusqu’au cou, la directrice maléfique viole l’esprit de la jeune impétrante sans coup férir, par la manipulation et la ruse.

Soyez vous-même fait d’abord penser à une satire sociale. Une satire notamment du culte de la transparence, que l’on retrouve autant dans la communication d’entreprise que dans les discours politiques. On pense alors à ces slogans qui nous intiment l’ordre d’être nous-mêmes, d’être naturel, d’être libre dans nos têtes, l’objectif final étant de museler l’esprit critique des consommateurs ou des électeurs.

La pièce vise juste à cet égard. Motivée par les enjeux professionnels, la jeune oie sans saveur, si ce n’est dans ses formes généreuses, dévoile petit à petit des pans entiers de son intimité, sous les regards de rapace de la directrice maléfique. Pourtant la pièce ouvre d’autres pistes. Soyez vous-même se veut également une pièce psychologique, explorant les outils de manipulation moderne, ou une satire du monde du travail devant le pouvoir de l’ascendant hiérarchique.

Malgré les nombreuses pistes ouvertes, il n’en reste pas moins une impression d’inachevé en sortant de la pièce. Ce sentiment provient peut être du manque de profondeur des personnages. La confrontation de la jeune oie blanche et de la perverse directrice est sans nuance, chacun campant jusqu’à la caricature son personnage. Très vite les rôles sont distribués, et l’issue finale semble un peu prévisible sans qu’aucun retournement de situation ne vienne faire dérailler la belle mécanique. Pour une pièce qui met en scène la manipulation entre les hommes, on aurait aimé être un peu plus manipulé par le metteur en scène.

Soyez vous même, texte et mise en scène Côme de Bellescize
Régie Arnaud Prauly
Lumière Thomas Costerg
Son Lucas Lelièvre
Composition chanson Yannick Paget
Costumes Colombe Lauriot-Prévost
Diffusion Séverine André Liebaut
Coproduction Compagnie Théâtre du Fracas, le Théâtre de Rungis et Théâtre de Belleville
Avec le soutien de la SPEDIDAM et du Théâtre de l’Éphémère – Le Mans

Avec Eléonore Joncquez et Fannie Outeiro

Durée 1H10

Théâtre de Belleville
94, rue du Faubourg du Temple – 75011 Paris
Métro Belleville (ligne 2 et ligne 11) et Goncourt (ligne 11)
Réservation 01 48 06 72 34
www.theatredebelleville.com

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