Critiques // « Souffle » du Collectif des Arts Migrateurs à la Nef (Pantin)

« Souffle » du Collectif des Arts Migrateurs à la Nef (Pantin)

Mai 07, 2010 | Aucun commentaire sur « Souffle » du Collectif des Arts Migrateurs à la Nef (Pantin)

Critique de Camille Hazard

Prendre son temps dans le travail, élargir les possibilités de jeu, partir de rien et créer petit à petit un spectacle où les propositions et les idées de chaque comédien nourrissent perpétuellement le travail qui donne naissance à Souffle, voilà tout le projet que la metteuse en scène Jessica Dalle présente à partir du 5 mai, à La Nef.

Comme dans un corps, un battement de cœur.

La création Souffle est le fruit d’une collaboration collective. Les improvisations, les réflexions de chacun sur l’état du monde, les propositions de différents styles de jeux, de différents moyens, (comme les sons, les lumières, les tissus…) forment les innombrables tableaux du spectacle. Les 7 comédiens sur scène, enchaînent les costumes pour changer de peau, d’époque et d’histoire. L’allégorie qui fonde l’histoire de Faust de J.W. Goethe : le pacte entre Faust et Méphistophélès, sert de trame entre les différentes images successives. Le spectacle commence sur un amas de corps, accrochés les uns aux autres, au rythme d’une seule respiration. Petit à petit, les différents membres se séparent et donnent naissance à des corps, à des hommes. S’enchaînent par la suite des séquences colorées où seront exposés devant nous, des hommes que l’on suppose être préhistoriques, des militaires, des ouvriers, des bourgeois. Enfin, des riches, des pauvres, des méchants et des naïfs. Un personnage rappelle Méphistophélès : un employeur qui exploite des travailleurs avec un rire infernal et leur offre tout l’or qu’ils souhaitent en échange de…Le spectacle se termine également par un accouchement douloureux, surréaliste, pour donner vie à …À ce que vous voulez, Jessica Dalle permet à notre imagination d’interpréter librement cette image.

« Je désire développer des esthétiques radicales qui tendent à laisser libre le propos dramatique ». J.Dalle

On s’aperçoit en voyant ce spectacle, que l’engagement humain, l’éthique, le travail en profondeur, la qualité et la précision sont au cœur de ce que recherche la metteuse en scène dans la construction du projet. De très belles images nous parviennent avec des jeux de lumière, des tissus en mouvements, des souffles de rêves. Cependant, les dizaines de tableaux exposées passent à toute allure et parfois perdent leur sens. On comprend assez vite les propos de la pièce : les naïfs sont heureux, les pauvres sont maltraités, mais peuvent basculer par faiblesse dans le monde sans pitié de l’argent, les riches sont cyniques, les militaires n’ont aucune pitié…On partage ces idées, même si elles sont présentées de manière un peu naïve, un peu manichéenne. Il faut dire quand même que le collectif et ses membres sont jeunes, et qu’une vision un peu trop « jeune » du monde ne peut pas leur être reprochée ; cela est même encourageant pour leurs créations futures et peut être avec plus d’expériences car, si les messages apparaissent parfois simplistes, il n’empêche que nous en comprenons le sens général et qu’est ce que mettre en scène sinon donner du sens ? La metteuse en scène accompagne sa troupe tout au long de la pièce en musique. Parfois des rythmes qui augmentent l’effet de souffle sur scène, parfois des ambiances à l’aide de plusieurs instruments. Elle ponctue, crée des ruptures dans les rythmes, dirige les comédiens par les sons comme un chef d’orchestre. Un comédien attire l’attention dés qu’on le voit sortir d’une caisse bleue et qu’il commence des incantations : Julien Pace arrive à mettre du poids et de l’engagement dans son jeu tout en ayant une distance et une liberté qui amènent beaucoup de moments forts accentués par un côté absurde. Il ne se regarde jamais jouer et plonge dans des personnages caricaturaux avec délice.

Ce spectacle créé au bout de plusieurs mois de travail et avec une troupe énergique et pleine d’envies, manque parfois de discernement, mais promet beaucoup de belles choses pour l’avenir du collectif des arts migrateurs.

Souffle
Création : le Collectif des Arts Migrateurs
Direction : Jessica Dalle
Avec : Chloé Cassagnes, Elsa Eskenazi, Pauline Fontaine, Jérome Pace, Lisa Spatazza, Jeanne Tanguy, Julien Tanner, Adrien Tessier
Conception costumes : Jeanne Tanguy, Lisa Spatazza
Lumières : Romain Cailteux

Du 5 au 10 mai 2010

La Nef
20 rue Rouget de Lisle, 93 500 Pantin
www.la-nef.org

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