ƒ Article de Camille Scordia

© Alessandro Sala

L’intrigue de Sorry Boys reprend le fait divers suivant : aux Etats-Unis, 18 filles du collège tombent enceintes en même temps et décident d’élever leurs enfants. La communauté s’émeut d’un tel mouvement, qui n’est ni revendiqué, ni véritablement clair sur ses motivations. La trame de ce fait divers est reprise dans une mise en scène de marionnettes, avec une galerie d’une dizaine de personnages-muppets, dont on n’aperçoit que les têtes, fixées à un castelet.
Au milieu des deux castelets, qui portent chacun 5 têtes différentes, un squelette de téléphone, affichant sous forme de textos les échanges entre les filles, dont on ne fait que lire les pensées sans jamais les voir. Ce dispositif crée une curiosité chez le spectateur, qui devient en quelque sorte complice de cette bande de filles, et observe, tel un voyeur, les réactions en chaîne qui découlent des révélations de leurs grossesses, de l’inquiétude et l’incompréhension des parents jusqu’à l’affolement des futurs pères. Sorry Boys se propose de parler franchement de la sexualité à l’adolescence, un sujet fort peu traité sur scène, en dépeignant le décalage qui existe entre la théorie et la pratique, mais aussi en déconstruisant les clichés de l’adolescence. Ainsi, si les jeunes hommes présentés ici sont baignés dans une culture pornographique sans véritablement connaître les enjeux du sexe comme la contraception, ils sont, pour une partie d’entre eux, responsables et prêts à assumer les conséquences de leurs actes : être pères.

Les thématiques abordées ainsi à travers le fait divers duquel s’inspire le spectacle permettent à la fois de provoquer le rire et d’entraîner le spectateur dans une réflexion plus vaste sur la sexualité, la famille et les rôles sociaux assignés aux genres. La comédienne marionnettiste réalise une véritable prouesse en se livrant, durant 1h15, à l’interprétation d’une dizaine de personnages, dont les répliques s’enchaînent très rapidement. C’est peut-être là où réside une des faiblesses du spectacle : très riche en dialogues, les scènes laissent peu de moments de respirations, essentiels au spectateur, qui peut tranquillement réfléchir à ce qui se joue devant ses yeux.
Les marionnettes, de leur côté, sont réduites à de simples têtes dépourvues de corps, et n’offrent pas beaucoup de variété dans la manipulation. Les changements de voix seuls permettent une véritable différenciation des personnages. Cela génère une certaine lassitude chez le spectateur, car il n’a rien à contempler que des têtes parlantes, dont les échanges verbaux s’enchaînent sans répit. Un peu trop long, Sorry Boys constitue cependant un bon levier de réflexion sur des sujets forts, traités avec humour et pertinence.

Sorry Boys
Texte, mise en scène et jeu Marta Cuscunà
Projet et réalisation des têtes coupées Paola Villani
Assistant mise en scène Marco Rogante
Lumières Claudio “Poldo” Parrino
Son Alessandro Sdrigotti
Têtes aimablement fournies par Eva Fontana, Ornela Marcon, Anna Quinz, Monica Akihary, Giacomo Raffaelli, Jacopo Cont, Andrea Pizzalis, Christian Ferlaino, Pierpaolo Ferlaino, Filippo pippogeek Miserocchi, Filippo Bertolini, Davide Amato

Durée : 1H15

Les 23 et 24 mai 2016 à 19h

Théâtre de la Ville
2 place du Chatelet – 75004 Paris
réservations 01 42 74 22 77
www.theatredelaville-paris.com/

Be Sociable, Share!

•