© Tuong-Vi Nguyen

ƒƒƒ article de Nathalie Tambutet

Première représentation mercredi 06 novembre 2024, au « Petit théâtre » de La Colline, de la dernière création de Jacques Rebotier : « Six pieds sous ciel – chœur – Symphonie-langage. Concert des pensées. Composer, comme on compose une toile, ou un quatuor. Mais en phrases ».

La salle est pleine, la scène est nue. Ce poète, compositeur et metteur en scène, reconnu, nous convie à un spectacle immersif dans le langage parlé, intérieur et extérieur. Une pièce sans histoire composée de mots, de sons, de musicalité. Une plongée dans la récolte des mots, des phrases et des sons de l’univers dans lequel nous évoluons et qui nous entoure.

Dans le noir, on distingue trois personnes qui entremêlent leur corps.  Face à nous, un corps à trois têtes dont la chevelure est recouverte de la perruque de leur cerveau éteint. Un monstre à trois têtes, métaphore d’un combiné téléphonique qui parle à un bébé. Il lui demande de dire ce dont il a besoin et d’appuyer sur la touche correspondante. Un bébé sans mots.

Ce trio de trois comédiennes forme le chœur. Ces dernières se déplacent, défaisant le chœur en rythme. Dans leurs déambulations, qui marquent la fin d’un tableau, elle traînent, poussent une sorte de valise à roulettes lumineuses, sur laquelle elles peuvent s’asseoir. Leur drôle de valise fait penser à l’enfance et au réfléchissement dans la nuit comme pour être vues. Lumière sur un nouveau tableau et lumière dans le ciel. Cet objet est comme le symbole de ce que l’on trimbale nous-mêmes partout et tout le temps, ce dont on ne peut plus se séparer : notre téléphone, notre interface de communication. Un prolongement de nous-mêmes.

Nous sommes peu à peu projetés dans notre quotidien, que nous entendons via les sons, les voix sonores des actualités, de nos outils informatiques qui nous demandent de cocher les cases sur lesquelles tel ou tel objet est présent afin de certifier que nous sommes bien des êtres humains et non des robots. Notre univers habituel est très sonore, envahissant. Nous sommes connectés en permanence à un virtuel parlant. Nous baignons dans un langage virtuel sans interaction sociale. Quand ces langages se superposent, c’est la cacophonie, on perd le fil. Nos conversations n’ont plus de sens, entrecoupées sans cesse de messages sonores. Envahis par un flot de paroles informatives, d’interdiction, d’erreur, de certification, nous ne pensons plus. Nous réagissons.

Un spectacle qui nous reflète et réfléchit le monde dans lequel nous vivons. Cette mise en scène est redoutable dans sa démonstration, par la parole, de la déshumanisation de notre environnement et de la robotisation dans laquelle nous baignons. Une robotisation lobotomisant la pensée, nous réduisant en petits robots obéissants.

Un trio de comédiennes admirable de synchronicité et d’unité. Une prouesse symphonique des voix et du jeu au sein de laquelle chacune d’entre elles garde son individualité, sa place, sa sensibilité une performance vocale et chorale.

© Tuong-Vi Nguyen

Texte et mise en scène : Jacques Rebotier
Avec : Anne Gouraud, Aurélia Labayle, Émilie Launay Bobillot
Création son : Bernard Vallèry
Coiffes : Katell Lucas
Et la participation amicale de Bertrand Couderc, Marion Gastaldo

Du 6 au 24 novembre 2024 

Du mercredi au samedi à 20h, mardi à 19h et dimanche à 16h
Jeudi 14 et 21 novembre à 14h30 et 20h
Relâche le dimanche 10 novembre

Durée 1h05

La Colline — théâtre national

15 rue Malte-Brun, 75020 Paris

01 44 62 52 52

Réservation : billetterie@colline.fr

Tournée : Du 22 au 24 janvier 2025, Châteauvallon – Liberté – Scène nationale de Toulon

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