À l'affiche, Critiques // Signé Dumas, de Cyril Gély et Eric Rouquette, mise en scène Tristan Petitgirard, Théâtre La Bruyère

Signé Dumas, de Cyril Gély et Eric Rouquette, mise en scène Tristan Petitgirard, Théâtre La Bruyère

Sep 14, 2018 | Commentaires fermés sur Signé Dumas, de Cyril Gély et Eric Rouquette, mise en scène Tristan Petitgirard, Théâtre La Bruyère

© Photo Lot

 

ƒ Article de Corinne François-Denève

 

Il y a une quinzaine d’années, au Marigny, Signé Dumas avait fait sensation. Le grand public découvrait que derrière Alexandre Dumas se cachait la figure de son porte-plume, Auguste Maquet. A l’époque, Francis Perrin, dans le rôle de Dumas, et Thierry Frémont, dans celui de Maquet, avaient donné des performances qui ont fait date.

Quinze années plus tard, la pièce garde toujours de son efficacité. Fondé sur un calembour qui peut désormais être jugé inaudible (« qui est le nègre du nègre » ?), le texte marche à grandes enjambées vers sa résolution. Nous sommes en 1848 : Dumas s’engage dans des travaux sans fin pour son château. Il doit perpétuellement fournir des textes que lui dictent son imagination débordante, et les recherches minutieuses de l’ordonné Maquet, son écrivain de l’ombre. Dehors, la révolte gronde. A ce renversement dans la sphère publique correspond un bouleversement dans la sphère privée : le porte-plume rue dans les brancards. Qui, de Dumas ou de Maquet, aura le dernier mot ?

La scène, un huis-clos, est censée se dérouler dans la splendeur du château de Monte-Cristo. Las, sans vouloir offenser personne, nous sommes décidément au théâtre bourgeois : boiseries de contreplaqué découpées sagement en ogive, couchers de soleil péniblement rendus par les projecteurs à gélate. Le fauteuil rouge qui trône au milieu du plateau est tout beau, tout propre, nettoyé au pressing tous les soirs. Les costumes, toutefois, créés par Virginie H, sont d’une grande beauté.

Le début de la pièce distille un ennui poli et aimable. Xavier Lemaire écume en Dumas, personnage histrionique et excessif. Il soliloque à grands frais, sur un plateau que la mise en scène a fort heureusement partagé en deux – le parterre de La Bruyère n’est pas gradiné, et vous risquez fort de ne vous concentrer que sur la passionnante géographie du crâne de votre voisin de devant, qui lui-même fait pareil avec le sien, si vous avez le double malheur d’avoir été placé.e au centre, vers les rangs du milieu, et de n’être pas bien grand.e (sinon, en même temps, vous ne pourriez pas caser vos jambes). Mais lorsque le jeu de forces s’inverse, et que les comédiens se mettent enfin à jouer ensemble une vraie partition, cela devient plus intéressant : le personnage de Dumas s’affine, le jeu de Lemaire aussi, et les joutes verbales deviennent passionnantes.

Signé Dumas est donc de la belle ouvrage. De ce spectacle propre et bien fait, on voudrait surtout retenir la performance de Davy Sardou. Digne petit-fils de Fernand, digne arrière-petit-fils de Valentin, ce Sardou-là fait véritablement honneur à la lignée de comédiens dont il est issu. D’une rare élégance, il est aussi d’une merveilleuse présence, dans le rôle difficile du martyr de l’écriture réduit à la discrétion et à l’effacement. Faible et soumis, il se révolte de belle manière, avec un sens du tempo et un instinct du plateau absolument remarquables. On rêve pour lui de rôles où son ambiguïté talentueuse brillerait – Soudain l’été dernier, Lorenzaccio…

 

© Photo Lot

 

Signé Dumas de Cyril Gély et Eric Rouquette

Mise en scène  Tristan Petitgirard

Avec  Davy Sardou, Xavier Lemaire et Thomas Sagols

Assistant à la mise en scène  Aurélie Bouix

Décor  Olivier Prost

Costumes  Virginie H

Lumières  Denis Schlepp

Musique  Laurent Petitgirard

Bande son  Vincent Lustaud

 

Durée  1h20

A partir du 12 septembre 2018
Du mardi au samedi à 21h – Matinée samedi à 15h30

 

Théâtre La Bruyère

5, rue La Bruyère
75009 Paris

Location : 01 48 74 76 99

http://www.theatrelabruyere.com

 

 

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